
m a u x ne paroifloient que dans certaines fai-
fons de l ’année, on s’imagina qu’ils faifoient
un féjour permanent dans les climats éloignés.
O n réfolut donc de les fuivre lorfqu’ils fe reti-
roient, & on ne tarda pas à reconnoître qu’ils
llabitoient dans les mers du pôle. Dès lors, on
.équipa des navires, 8c on choifît les matelots
les plus hardis 8c les plus expérimentés
pour aller les attaquer jufques dans leur retraite.
D e premiers fuccès firent accroître
Î>eu à peh ces arméniens ; de forte que dans
e milieu du fiècle dernier, on coraptoit
déjà à Saint-Jean-de-Luz douze ou quinze
navires employés à cette pêche. Les Bafques
fe portèrent d’abord dans la mer glaciale 8c
fur les côtes de Groenland ; mais rebutés
par les dangers qu’ils avoient à courir à travers
les montagnes de g la c e , ils gagnèrent
la pleine mer, vers l ’île de Finlande, dans i
l ’endroit nommé Sarde. Ils quittèrent en fuite
ces bas fonds 8c vinrent établir leur pêche
dans le détroit de Dav is , aux environs de
l ’île Dilco,.
Dans le temps que ce peuple indufirieux fe i
livroit avec tant d’ardeur à la pourfuite des ,
Baleines, les A n g lo is , témoins de fes fuccès,
entreprirent auffi cette pêche à la fin du lei- *
,zième fiècle. Elle leur étoit prefque inconnue
en l’année ï SIS * puifque de l ’aveu même
des Riftoriens de cette.Nation ( i ) , à cette
ép oque, on faifoit venir de la Bifcaye des
hommes capables de prendre les Baleines,
d'en extraire l'h u ile , & même des tonneliers
pour radouber les tonneaux, jLe premier
voyage des navires anglois en Groenland
eut lieu en 15*98, 8c la ville de Hull eut la
gloire de l’entreprife. Dans la fuite, cette
pêche elt devenue fort confidérable en Angleterre
, par la proteâion que le Gouvernement
a accordée aux Armateurs. Dès 1672,
,on avoit promis une récompenfe de fix
fchellings par tonneau d'huile , 8c de cinq
fchellings par tonneau de fanons. En 1697 *
ces encouragenaens ayant paru infuffifans, 8c
le Roi ayant jugé ces entreprifes au delïiis
,de la fortune d’un particulier, ordonna la
formation d’une Compagnie qui feroit 40,000
livres fterlings de fond,,8c à laquelle il accorda
une exemption de tous droits. J^es.foufcrip-
tions fe portèrent en 1695* à 82,000 livres fierl.
(j) Voy. M. Pennant, ,Z o o l} brit. vol. 3 , p. &
Je Ilackluyfs, Cpl. yoy, 1 , 414.?
En 1 70 1 , cette Compagnie ayant été fup-
primée, on donna aux particuliers les mêmes
privilèges. A mefure que les Anglois obte-
noient de nouveaux encouragemens , les
Bafques redoubloient d’adivité pour foutenir
le poids de la concurrence ; ils envoyèrent
à cette pêche vingfc-fept navires en 1729 8c
trente-trois en 1730 (1). Mais quelques années
après, le Gouvernement anglois ayant ajouté
aux avantages fuccgfiiyement renouvelés par
differentes lo is , une arécompenfe de vingt,
de trente, 8c même de quarante fchellings par
tonneau ; ces premiers Armateurs , après
avoir ouvert aux autres Nations cette branche
de commerce, furent enfin obligés de l’abandonner
entièrement. Il ne relia plus à Saint-
Jean-de-Luz que quinze à vingt nàvires ,
depuis Ï731 jufqu’en 1735*; que dix à douze
de 1735* à 1740; enfin que cinq à fix jufqu’à
la guerre de 174 4, qui finit de détruire abfo-
lument cette pêche.
Les Anglois 9 fe voyant débarraffés de nous ,
ne fongèrent <pu’à donner à leurs entreprifes
une confiltanog plus durable, 8c à nous interdire
pour toujours les moyens de re-
paroître fur la fcène. Le Roi créa une
Société de foixante perfonnes, à la -tête def-
quelles étoient le Maire 8c les EGhevins de
la ville de Londres , & l’autocifa à faire tous
les réglemens fur cet objet. Cette Société
étoit obligée de faire un fonds de 5*0,000
livres fterlings, dont elle recevoit un intérêt
de dix pour cent fur la banque, 8c de trois
pourcent fur le produit de la douane, pendant
quatorze ans. On fit plus encore , le
Gouvernement anglois inapofa un droit de
17 à 18 livres fterlings par tonneau de deux
cent cinquante-deux gallons d’huile (2) de
pêche étrangère à l’entrée du Royaume 5 8c
il accorda une prime équivalente à ce droit
à l’exportation de l’huile, qui proven'oic de
la pêche nationale.
On donna des gratifications aux Armateurs
5 8c pour exciter encore leur émulation
, on diftribuoit de grandes récompenfes
à ceux dont la pêche étoit la plus abondante.
Les équipages des bâtimens deftjnés
à la pêche de la Baleine furent exempts de * (i)
(1) Note communiquée par M. Chardon , Maître des
requêtes & Intendant des pêches.
(i) Ces deux cent cinquante-deux gallons contiennent
environ quatre cent cinquante pots.
la
la prefle, c?efl-à-dire, qu’ils ne pouyoient
être forcés, dans aucun ca s , de fervir fur
les vaiffeaux du Roi , pas même en temps
de guerre. Les Armateurs furent indemnifés
de toutes les pertes qu’ils avoient faites fur
les premières entreprifes ; ils jouirent d’une
exemption générale de tous droits fur les
objets d’approvifionnement, & d’une entière
liberté pour la formation des équipages. En
calculant tous les avantages qu’on a faits en
Angleterre à ceux qui s’intéreffent à la pêche
de la Baleine , il réfulte que le Gouvernement
paye une fois plus que le produit net
de cette pêche ; mais il faut obferver que
fans ces facrifices, il fortiroit du Royaume le
double de cette fomme , pour acheter de
l ’étranger ces denrées devenues néceffaires.
De plus, cette prime que le Roi accorde à
raifon de quarante fchellings par tonneau,
circule dans le commerce, & fert à former
une foule d’excellens matelots. « Ces récom-
. penfes, difoit un ouvrage politique publié
» en 1766 , ne font point une perte pour
» l’état. Celle de l’argent que l ’on porterait
» à l’étranger pour acheter les produirions
» de la Baleine ; celle des matelots les plus
» courageux , formés par cette pêche, en
» feroit une réelle ».
Enfin, pour augmenter de plus en plus les
progrès de cette pêche, les Communes ont
accordé, le 27 août 17 7P , une prime aux
cinq navires qui apporteroient la plus grande
quantité d’huile de Baleine ; favoir, fo o
livres fterlings à celui qui en auroit le plus,
400 livres au fécond, 300 au troifième, 200
au quatrième , & IOO au cinquième. Les
Anglois étoient parvenus auffi à accroître
ces pêches dans leurs anciennes poffeffions
de l’Amérique feptentrionale. Une Société
établie à la nouvelle Yorck avoit accordé
10 livres fterlings de récompenfe pour chaque
boucaut d’huile de Baleine. A peine furent-
ils en poffeffion du Canada, qu’ils s’occupèrent
d’abord des moyens d’y former des éta-
bliffemens. En 1765" , on armoit déjà à
Anticofti dix-huit navires; à Rhode-Illand,
trente-fept ; & plufieurs autres dans différentes
villes de ces colonies. Leur pêche a
prefque toujours été heureufe : auffi la métropole
, qui outre le produit de ces pêches,
etoit encore obligée d’acheter pour 16 à
18,000 livres fterlings de fanons feulement,
avoit-elle trouvé dans l’importation faite chez
elle par fes fujets Américains , de quoi
fournir amplement à fa confommation.
LesHollandois fe font formés depuis longtemps
à cette pêche, qui elt devenue un des
objets les plus importans de leur commerce.
En 1 6 1 1 , les bourgeois des villes de Hoorn
& d’Amflerdam fe réunirent pour établir une
Compagnie, deftinée à la pêche de la Baleine
, f ir les côtes de la nouvelle Zemble &
de Spitzberg. Depuis ce temps-là, ils ont eu.
en effet à lutter contre fes Anglois ; mais ils ont
eu plus d’avantage que nous. Leur fîtuation ,
leur économie, & certaines vues politiques
ont foutenu leurs établiffemens. On regardoit
comme un point d’honneur d etre mis au
nombre des aâionnaires de cette Compagnie,
& on faifoit peu de cas d’un Marchand qiti
n’étoit point intereffe dans la peche de la
Baleine. Ces moyens ont produit l’effet qu’ils
attendoient. Cette branche de commerce s’ett
accrue au point que la feule ville d’Amfter-
dam équipa foixante-quinze navires en 176p.
Deux ans après, les Provinces-Unies en envoyèrent
cent trente-deux fur les côtes de
Groenland, & trente-déux au détroit de
Davis : elles n’eu avoient cependant que
cent trente-cinq en 1774. En général , ou
compte que depuis 1669 jufqu’a 1780, les
Hollandois ont pris fur les côtes de Groenland
ou de Spitzberg, plus de cinquante-
cinq mille Baleines. En Hollande , non
plus qu’en Angleterre, on ne calcule point
le bénéfice fur le produit réel de cette pêche.
- « J’ai ouï dire eu Hollande, dit le Préfident
» de Montefquieu, que la pêche de la Ba -
» leine ne rend prefque jamais ce qu’elle
» coûte ; mais ceux qui ont été employés à
» la conftruétion des vaiffeaux, ceux qui en
» ont fourni les agrès, les apparaux , les
» vivres, font auffi ceux qui prennent le plus
» grand intérêt à cette pêche. Perdiffent-ils
» fur la pêche, ils ont gagné fur les fourni-
» tures. EJp. des Lois, liv. 20, chap. 6 » .
C es fpéculations fages & réfléchies ont en.
traîné prefque toutes les Nations du Nord.
La ville de Hambourg eft une de celle*
qui s’y eft livrée avec le plus d’ardeur. Les
vidages d’Eylighland &. de Jutland, qui bordent
l’Elbe, lui fourniffoient autrefois un grand
nombre de matelots & de harponneurs expérimentés
; mais les Anglois font parvenus à
attirer chez eux ces navigateurs , les plus
fobres & les plus robuftes qui exiftent fur la
terre. Dès lors la pêche de la Baleine des
Hambourgeois a diminué à mefure que celle