
ofcillation procure alternativement à la mère
& au petit les avantages de la refpiration.
Du refte , le tait eft fort gras 8c très-nour-
riffant. M. Jenner, qui a goûté celui d’une
femelle du Néfarnak, qui fut prife à Berkeley
il y a quelques années, affure qu’il efl comme
celui de la vache, auquel on auroit ajouté un
peu de crème. Les Baleineaux tètent pendant
un an, dit M. Dudley. Les Anglois les appellent
alors Shorteads (Courtes-Têtes). Ils font extrêmement
gras & donnent environ cinquante tonneaux
de graiffe : les mères au contraire font
très-maigres. Lorfqu’ils ont deux ans, on les
appelle Stants ( Bêtes ) , parce qu’ils font
comme hébétés après avoir été fevrés : ils
ne donnent alors que vingt-quatre à vingt-
huit tonneaux de graiffe. Après ce temps,
on les nomme Sculfish, & on ne connoît
plus leur âge que par la longueur des barbes
qui pendent autour des mâchoires.
A ttachement de la mère pour son petite
Tous les animaux qui exiftent fur la terre ont
reçu de la nature ce fentiment d’amour & de
tendreffe qui. les porte à—fa cri fier leur tran- j
q u i l l i t é & à expofer même leur vie' pour le i
falut des individus auxquels ils ont donné
l ’être; 8c c’elt de ce penchant fecret, de cet
attachement irréfîflible que dépend la con-
fecyation des efpèees. . L ’animal qui vient
de naître eft trop foible pour fatisfaire fes
befoins & pour réfifter aux ennemis qui
• l’environnent ; il fuccomberoit donc bientôt
li la mère ne venoit à fon fecours pour le
protéger, le défendre,, & pour fournir à fa
fubfiftance. Les cétacés*rerapliffent fidèlement
à cet égard le voeu de fa nature. Aulli-tôt que
le petit eft né , la mère ne le perd pas de
vue* Dans ces premiers raomens où il ne
peut pas encore nager , elle l’emporte partout
avec e l le , le ferrant tendrement entre-
fes nageoires. Dans le mois de février 1764.,
il parut fur la côte de Saint-Jean-de-Luz ,.
une Baleine qui portoit fon petit fur le dos.
On harponna le Baleineau, qui avoit déjà
vingt-cinq pieds de longueur & dix-fept 8c
demi de circonférence. « On ne croyoit pas
» avoir bleffé la mère avec le harpon ; ce-
» pendant, dit M. de la Courtaudière ( 1 ) ,
» on s’aperçut qu’en s’enfuyant , elle don-
(1) Lettre adreffée à M. Duhamel, Traite des pêches ,
» noit beaucoup de fang >>. Si1 un-ennemi f e
préfente, c’eft la mère qui fe met âit devant
pour le défendre & le protéger. On a vu-
piufieurs fois la Jubarte, li timide d’ailleurs
8c prenant très-aifément la fuite,.fe retourner
fur les pêcheurs qui don n oient* la - chaffe à fon
p e t it f r a p p e r à droite 8c à>gauche avec fa-
queue renverfer leurs canotsy & fauver ainfi
fon Baleineau, qu’elle emportoit enfuitë entre
fes nageoires. Quels efforts n’a-t-on pas vu
faire à la femelle du Butskopf, pour remettre
à flot fon petit, qui échoua le J9 feptembre-
dernier fur les-eôtes de Normandie ! Cette tendre
foilicitude ne fe manifefte pas feulement
lorfque le petit eft en danger ; e’eftktn fend—
ment habituel & permanent qui agit dans toutes
les circonftances. Si {^Baleine plonge dans
la mer, elle tarde au moins un quart d’heure à>
reparoître; mais lorfqu’elle eft avec fon petit,
elle fent qu’il ne peut pas refter auffi long--
temps fans-refpirer : elle remonte donc plutôt,-,
malgré le danger qui. la menace. Il eft vrai-
femblable que cet attachement réciproque de-'
la mère pour fon petit, qu’elle accompagne
' toujours & qu’elle ne quitte pas jufqu’à ce qu’il;
foit fevré, a donné lieu à i’hiftoire fabuleufe'
du poijjon conducteur de la Baleine , qu’on;
trouve fi fouvent répétée dans les ouvrages*
des Anciens.-
Nourriture. En recueillant les obfervations>
des pêcheurs & des Naturaliftes , il paroîr
que-dans les cétacés , chaque efpèce a fes*-
alimens particuliers. En effet, s’ils pren oient*
tous fa même nourriture, la mer , quelle
que foit fà population 8c fön étendue , ne
pourroit déjà plus fuffire à la fubfiftance d’une-
famille fî deflrudive.
Suivant M. Otho Fabricius la Baleine*
Franche vit principalement de cancers 8c de
planorbes. On eft étonné d’apprendre qu’une
bête auffi énorme que la Baleine fe nour-
ràffe de fî petits animaux , 8c qu’elle en-
graiffe au point de donner plus de -cent
vingt milliers de lard- ; cependant cette
affertion paroîtra plus probable, fi l’on fait
attention que ces vers & ces iufe&es font en?
fî grand nombre dans les mers du N o rd ,
qu’en ouvrant fimplement la gueule,.la Baleine
en engloutit piufieurs mille à la fois».
Linné 8c piufieurs autres Naturaliftes difent
qu’elle fe nourrit de médufes; mais cette opinion
ne paroît pas vraifemblable : M. Otho
Fabricius n’en a pas entendu parler en
Groenland ; ôc d’ailleurs ces vers n’offrent
qu’une efpèce de fubftancegélatineufe,qui fem-
!ble peu propre à produire une grande quantité
de graiffe. « Certaines gens prétendent en-
» core, ajoute M. le Chevalier de Pagès, que
» la Baleine avale des polypes de la groffeur
» d’une fève. L ’on m’affura qu’elle fe nour-
>» riffoit d’une petite carnofîté qu’on m’ap-
>> porta; elle étoit de la groffeur d’un oeuf,
» a peu près de ia forme du melon ; 8c des
» fibres dans fa longueur, qui en refferroient
-» la furface, lui donnoient la forme des côtes
» de ce fruit. Certaines fibres rouges, répan-
» dues dans toute la carnofîté, lui donnoient
» une couleur rougeâtre ; le refte ne me
>» parut être qu’une matière vifqueufe. Je
» doutai fort qii’une Baleine pût s’en nour-
v rir ; car l’ayant mife à fécher, il ne relia
.» prefque rien de folide ; 8c l’aliment de la
» Baleine a certainement un peu de folidité,
» puifque fes excrémens , couleur defafran,
» en ont affez. Je crus plutôt qu’elle fe nour-
,» riffoit de chevrettes. Un loup marin que
» l’on prit dans la fuite, qui en avoit l’efto-
» mac plein, m’indiqua qu’elles abondoient
» au fond de la mer. Les fanons de la Baleine
-» feroient très-propres à les ramaffer, 8c affez
» forts pour les écrafer ».
L e Nord-Caper fe nourrit de maquereaux,
de thons, de morues, 8c de harengs. M. de
Bréville, Capitaine des vaiffeaux de la Compagnie
des Indes, a obfervé que quand une
Baleine de cette efpèce rencontre un banc
de harengs, elle frappe l’eau avec fa queue
8c la fait bouillonner de manière à étourdir
ces poiffons, 8c qu’alors elle en fait fa proie.
IWillughby a trouvé vingt ou trente morues
dans un individu de cette efpèce ; & Harre-
bows raconte que les Iïïandois trouvèrent
fix cents morues vivantes, 8c outre ce la,
'une grande quantité de fardines 8c quelques
oifeaux aquatiques , dans l’eftomac d’un
Nord-Caper, q u i, en pourfuivant des poiffons
, s’étoit jeté fur le rivage. Toutes les
autres efpèees de ce genre fe nourriffent de
harengs , de falmones arctiques, ou d5appâts
de vaje.
Le Narhwal choifit de préférence les cy~
noglojfes 8c les actinies. A ,1a vérité , il n’a
point de dents pour faifîr fa proie ; mais des
Auteurs dignes de foi affurent qu’il enfile ces
poiffons avec la dent qui fort de fa mâchoire
îupérieure; 8c qu’après les avoir ainfi rame-
vpé$ jufques fur le bord des lèvres, il les fuce
& les détruit en y pafîant continuellement la
langue.
Les Cachalots donnent la chaffe aux phoques
9 aux dauphins , aux cycloptères, 8c aux
Baleines à bec. Le grand Cachalot pourfuit
avec acharnement le requin, dont il fait fa
nourriture ordinaire; & cet animai, d’ailleurs
fi formidable, eft faifî d’une telle frayeur à
la vue de cet ennemi terrible, qu’il va fe
cacher dans la terre ou fous le fable, pour
fe fouftraire à fa dent meurtrière : quelquefois
, fe voyant affailli de toutes parts, il fe
précipite à travers les rochers, & fe frappe
avec tant de violence , qu’il fe donne lui-
même la mort ; tant eft grande 1a terreur dont
il eft pénétré! Cet effroi va même fî lo in ,
ajoute M. Otho Fabricius, que ce chien de
mer, qui recherche avec tant d’avidité le cadavre
des autres cétacés , n’ofe pas même
s’approcher de celui du grand Cachalot.
L e Cachalot-Microps n’attaque guère que
les phoques, qui prennent la fuite auffi-tôt
qu’ils l’ont aperçu : les uns gagnent avec
précipitation îe riv ag e ; les autres grimpent
fur les glaçons. Alors, fi le Cachalot eft leu l,
il fe cache fous les glaces, 8c attrappe les
phoques à mefure qu’ils redefeendent dans
l’eau ; 8c lorfqu’il y a piufieurs Cachalots
réunis , ce qui arrive communément , ils
entourent le glaçon , le renverfent , 8c fe
faififfent de leur proie.
Les Dauphins vivent de morues, d’églefins
y de perfegues, de pleuronectes, 8c de
beaucoup d’autres poiffons d’une groffeur
médiocre. IdEpaulard eft, d it -o n , le plus
hardi, le plus vorace, & le plus fort de
cette famille. Prefque tous les Naturaliftes
s’accordent à dire qu’il attaque même les
gro fies Baleines, qu’il les met en fuite, 8c.
qu’il eft caufe qu’elles viennent fouvent
échouer fur nos côtes.
Grandeur. Les Baleines de moyenne grandeur
n’ont guère plus aujourd’hui de foixante
pieds de.longueur, fur trente-fix de circonférence.
Celle qui échoua près de l’île de Corfe
en 1620, eft une des plus groffes qu’011 ait
vues dans ces derniers fiècles ; elle étoit longue
de cent pieds. Cependant, quelque énormes
que foient ces proportions, les anciens
Naturaliftes en ont encore donné de beaucoup
plus confîdérables à celles qui exiftoient
de leur temps. S’il faut en croire Pline, on
en trouyoit alors qui avoient jufqu’à neuf