
dans les cétacés que dans les poifTons. L ’épiderme,
qui recouvre le corps de ces animaux,
eft uni, lifle , & garni intérieurement d’une
infinité de houpes nerveules , qui font les
organes du fens. Il n’y a ni (.cailles , ni
tubercules ; les deux nageoires latérales font
compofées d’os articulés comme la main de
l ’homme. Par le moyen de ces membres,
l ’animal peut embrafler les corps étrangers,
8c juger diftinâement de leur forme & de
leur grandeur. La langue, dans cette clafle
d’animaux, n’eft pas feulement defiinée à être
l ’organe du goût, elle ell encore d’un grand
ufage pour la perfection de ce fens : fon ex-
tenfion hors de la gueule, fa flexibilité, la
fineffe de la peau qui la recouvre , la rendent
propre à recevoir l’imprelîion du toucher. Il
iemble donc que dans les cétacés, le fens du
toucher foit plus v if que dans les poilïons ,
mais moins parfait que dans les quadrupèdes.
Se Ns du goût. Si l’on doit juger du fens du
goût dans les cétacés, par la grandeur & la
ffruéture de la langue & de la bouche, on
ne peut avoir qu’une idée très-favorable fur
la perfection de ce fens. Prefque tous les
individus de cette clafle font pourvus d’une
grofîe langue fpongieufe, qui remplit l’inté-*-
rieur de la gueule : de p lus , la voûte du
palais & le bord des alvéoles font parfemés
d’une multitude de pores qui abforbent les
matières favoureufes, 8c les conduifent juf-
ques dans les papilles rierveufes, où elles
excitent leur impreffion.
Sens de l’odorat. Il n’eft pas auffi aifé de
prononcer fur le fens de l’odorat. Dans les
Dauphins y les organes extérieurs de ce fens
font placés fur la partie antérieure du mu-
feau ; on y voit deux petites ouvertures,
garnies à l’intérieur d’un filament long de
cinq ou fix lignes, recourbé au fommet, &
appuyé fur une efpèce de réfeau nerveux,
qui s’étend depuis, le bout de la mâchoire
fupérieure, jufqu’à la couche de graifle qui
recouvre cette partie. Klein a encore obfervé
trois nerfs qui viennent aboutir dans cette
cavité , & il les regarde comme les nerfs
olfaCiifs. Dans les Baleines, les Monodons
8c les Cachalots, il n’y a point de narines
particulières ; les canaux hydrauliques fervent
en même temps d’ifliie à l’eau que
l’animal afpire & d’organes à l’odorat. Les
parofs de ces tubes, au lieu de corps fpon-
giettx, font compofées de membranes pliffées
qui reçoivent l’impreflîon des parues
odoriférantes , foit lorfque l’animal eft enfoncé
dans l’eau, foit lorfqti’il vient à la fur-
face pour refpirer. Dans l’un 8c dans l’autre
cas , l’air de i’atmofphère ou celui qui ell
mêlé parmi les molécules de l’e au , fervent
de véhicule aiix parties odoriférantes, 8c agif*
fent fur la membrane qui tapifle-l’intérieur
des évents. M. Camper., qui a diflequé plu-
fieurs Cachalots dans l’intention de faire des
recherches fur l’organe de l’odorat, avoue
qu’il n’a trouvé dans la contexture des évents
que les ramifications de la première branche
de la cinquième paire. « Je n’oferois affirmer,
» dit ce favant Anatomifle ( l) , que ce nerfloit
» l’olfaétif} mais pourquoi ne pourrôit-ii. pas
» fervir à cet ufage, puifque nous voyons que
» la troifîème branche de la cinquième paire
» fert à l’organe du goût » ?
Sens de louïe. L ’oreille intérieure des cétacés
eft conftruite , fuivant M. Humer , à peu près
fur le même plan que celle des quadrupèdes.
Les o s , les cavités, les cartilages, les nerfs
font les mêmes; leur difpofition varie feulement
dans quelques individus. Et de là , il
réfulte une différence dans la ftrudure de ces
organes, 8c peut-être même une petite modification
dans la fenfation qu’éprouvent ces
animaux : car pour entendre, il ne füffit pas
que le fon pénètre dans l’intérieur de l’oreille;
il faut encore qu’après avoir parcouru tous
les replis 8c toutes les concavités oflëufes,
les parties fonores parviennent jufqu’à la lame
fpirale du limaçon , qu’on doit regarder
comme l’organe immédiat de la fenlàtîon :
8c comme l’intenfité ou la foibleffe du fon
dépendent toujours de la quantité des parties
fonores qui frappent la membrane du limaçon
, il s’enfuit que la fenfation fera d’autant
plus vive , que les concavités des parties
ofleufes feront régulières , 8c propres à réunir
dans un foyer ces différens ébranlemens. Ce
feroit fans doute ici le lieu d’àffigner en quoi
l’oreille des cétacés diffère de celle des quadrupèdes
; mais les Anatomiftes ne font pas
encore d’accord fur ces différences. Les uns
difent qu’il n’y a point de conduits demi-
circulaires dans cette famille (2) ; les autres
en admettent (3). Ceux-ci nient l’exiftence
(1) Lettre de M. Camper, du z8 Janvier 178^.
(z) M. Camper, M. Vicq-d’A zir, Traité d’anatomie,
ze. üvraif. /?. 33.
(3) M. Hunter, Obf. fur les cetac. Tranf.philo/. 1787.
du
Su veftibule dans les Cachalots 8c les Dauphins
; ceux-là en décrivent la forme. Je
ferois porté à croire, que comme les canaux
demi-circulaires 8c le veftibule font un peu
moins ou différemment prononcés dans cette
clafle, quelques Anatomiftes ont conclu qu’il
ai’y en avoit pas. Dans ce fens, ils 11e diffèrent
.guère quant au fonds, de ceux qui ont démontré
i’exiftence de ces organes. Quoi qu’il
-en fo it, il paroît, par la relation des pêcheurs,
que les cétacés entendent d’aufîi loin que les
. quadrupèdes.
O rgane de la vue. Nous avons déjà dit que
l’organifation extérieure de l’oeil des cétacés
prélente une analogie parfaite avec celle des
quadrupèdes; nous favons auffi qu’il y a le
même rapport entre la tunique choroïde, la
rétine, 8c l’humeur criftalline; mais cbmme
on n’a point encore obfervé la forme ni la
denfîté des humeurs , tout ce que nous dirions
fur le fens de la vue de ces animaux,
relativement à celui des poiffons, ne feroit
que des conjedures ha fardées.
A ccouplement et portée des cétacés. Il
y a deux opinions fur l’accouplement des
Baleines. Les pêcheurs de Groenland difent
que le mâle 8c la femelle fe laiffent tomber
perpendiculairement fur leur queue, 8c que
dans cette pofition , ils tiennent la tête hors
de l’eau, s’embraffant étroitement avec leurs
nageoires. M. de Saint-Pierre m’a affuré avoir
vu plulieurs fois des Baleines dans cette
fituation, pendant le cours de fon voyage à
l ’île de France. M. Dudley au contraire prétend
qu’au moment de l ’accouplement, la
femelle fe couche fur le d o s , 8c qu’elle retient
le mâle fur elle, en repliant les nageoires
latérales 8c celle de la queue. Ces deux fen-
timens ne paroîtront pas contradiâoires, fi
Fon fait attention qu’on a mal à propos dé-
figné jufqu’ici fous le nom de Baleines y tous
les animaux qui font compris dans cette
clafle ; & que fur le nombre des efpèccs
qu’on a confondues fous la même dénomination
, il y en a qui different réellement
entre elles par leur forme extérieure , 8c peut-
être même par la manière de s’accoupler.
Les pêcheurs conviennent unanimement que
lorfque la femeile du Nlarfouin eft en chaleur
, elle fe renverfe fur le dos auffi-
tot qu'elle voit un mâle de fon efpèce, 8c
qu’elle le ferre entre fes nageoires latérales.
M. Dudley ajoute encore que chaque B aleine
s’accouple avec un individu de fon
efpèce ; 8c que , fidèles l’un à l’autre, ils
vivent en fociété & ne fe quittent plus. S e lon
l’opinion la plus probable , l’accouplement
n’a lieu que tous les deux ans. La
mère porte fon foetus , comme la v ache,
pendant neuf ou dix mois ; elle eft alors plus
graffe, principalement vers le temps où elle
doit mettre bas. Elle ne donne qu’un petit à
la fois, rarement deux ; 8c c’eft ordinairement
vers le mois d’avril. Le Baleineau, lorfqu’il
vient de naître , a environ vingt pieds de
longueur. On trouva dans le ventre de la
Baleine qui échoua près de l’île de Corfe en
1620, un foetus de trente pieds de longueur,
qui pefoit quinze cents livres.
Ce que je viens de dire fur la Baleine ,
peut s’appliquer à la femelle du grand Cachalot.
Tous les détails que j’ai reçus de la
Bretagne, à l’occafion de trente-un Cachalots
qui échouèrent au port d’Audierne le 14.
mars 1784, annoncent à cet égard une parfaite
analogie entre ces deux familles de
cétacés. « Ces animaux étoient prefque tous
» fëmelles , dit M. l’Abbé le Coz , 8c deux
» mirent bas fur le rivage, ce qui fut précédé
» par des explofions bruyantes : l’une donna
» deux petits; l’autre un feul ». On dit que
ces petits faifoient des efforts pour fe remettre
à flot, 8c que deux s’ élancèrent d’eux-mêmes
dans la mer ; mais je préfume qu’ ils furent
enlevés par les vagues. Celui qui refta fur
la côte étoit très-bien conformé ; il n’avoit
pas encore de dents dans la gueule. Selon
M. Chappuis, fa longueur étoit de dix pieds
fix pouces. ^
A llaitement et lait. Quand on connoît
la pofition des mamelles 8c le befoin continuel
qu’ont les cétacés d’aller à la furface de
l’eau pour refpirer, il eft bien difficile d’imaginer
quelle eft la pofition que prend la
femelle pour allaiter fon petit. Dans tous
les ca s, les évents de ces deux individus
fe trouvant dans une direétion oppofée, il
paroît néceffaire que l’ un foit plongé
dans l’eau , tandis que l’autre s’élève à
la furface. Mais les relations des pêcheurs
groenlandois expliquent, de la manière la
plus fatisfaifante , toutes ces difficultés ; ils
difent que lorfque la mère veut donner à
teter, elle fe jette de côté fur la furface de
la mer, & que le petit s’attache auffi-tot a fil
majnelle. Dans cette fituation , le moindre
mouvement du corps , la plus légère
c