
des Anglois s’efl accrue : cependant ils ont
envoyé encore cette année ( 1789 ) trente-
deux bâtimens au Groenland , ainfi qu’au
detroft de D a v is , pour la pêche de la Baleine
8c des chiens de mer.
L e Roi de Prusse a tenté de faire participer
à cette branche de commerce fa ville
o Embden : en çonféquence, il a donné des
ordres, en 1768* d’équiper plusieurs navires
pour cette pêche.
L e Gouvernement Suédois , plus à portée
du lieu de la pêche, a voulu' auffi en profiter.
En 17 74 , *! accordai une Compagnie,.dont
il avoit protégé l’établiffement à Gottimbourg,.
le privilège de la pêche du Groenland 8c du
détroit de Davis , pendant vingt ans : il fît en
outre à cette Compagnie des avantages trës-
eonfîdérables.
L e Danemarck a voulu-enfîn partager un
fruit que toutes les- Nations de l’Europe
viennent cueillir fur fes. rivages.. On. établit à
Berghem une Compagnie pour la pêche de
la B a le in e En 1775;, le Ro i fit préfent aux.
actionnaires d’une gaüote à bombes T 8c de
-deux autres bâtimens.’ Dans la même année,
la Société utile de cette ville confacra à l’encouragement
de cette pêche,, des fommes que
le Roi veno’it de lui envoyer. .
Les faits que je viens de rapporter ne
font que l’analÿfe des mémoires que M.
Chardon, Maître des requêtes & Intendant
des pêches,. a. bien voulu me communiquer :
ils fuffirônt fans doute pour donner une idée
de l’importance fous laquelle cette brandie
d’indu {trie eft envifîrgée par tons nos- voi-
fins, 8c des efforts que nous avons à faire
pour la remettre en aéüvité parmi- nous. Nous
avons vu que- cette pêche , qui- ne s’étoit
foutenue en France que par fes propres
forces, n’a voit cependant fuccombé fous les
efforts de la rivalité qu’en 1744.. Depuis ce
temps-là, des Négocions de Bayonne 8c de
Saint-Je an-de-Luz ont fa it, en 1745? , de
nouvelles tentatives fous la prote&ion du
Gouvernement. M. de la Borde, par amour
pour fa patrie, fit armer à fes frais, en ly d y ,
deux navires à Bayonne, qui firent chacun
deux voyages dans les mers du Groenland ;
mais toutes ces entreprifes ont échoué ,. &
..les întéreffés- ont été obligés de les abandonner
, après avoir effuyé des pertes très-
cqnfîdérables , foit que l’exécution ait été
‘ mal dirigée 3 foit que le mouvais ftiecès
doive être attribué à l’impéritie dés Capitaines
ou des équipages :• c’eft ce qui paroît affez
probable| pu il que' les deux navires expédiés
par M. de la Borde- ne prirent que deux Baleines
en deux voyages. Après des effais aufïï
infruélueux y la pêche de là Baleine eut
été abfolument anéantie en France fi le
Gouvernement n’eut entrepris de la réhabiliter
En effet , on arma, en 1.7.84,; fix navires à
Dunkerque pour le compte de Sa Majefté ,
qui firent fucceffivement-: plufieurs? campagnes-
de pêche,. tant dans les mers du Nord 'que
dans- celles du Sud. Leurs dernières expéditions
ont été affez heureufes pour faire efpèrer
de rétablir en France une branche de commerce
auffi importante , 8c une navigations
très-utile pour la marine royale , qu’elle fournit
des meilleurs matelots. Le Gouvernement
n’a pas perdu de vue des. avantages, auffi précieux.
En 1786 les habitans de l’île de-
Nantuckett , fituée dans, la nouvelle Amérique,
près d’H allifax, qui font très - experts;
dans Part de- pêcher la Baleine, furent invités
à venir s’établir en France dans, le port de-
Dunkerque,, pour, y pratiquer cette pêche.
Les avantages que le Roi leur a accordés 8c
les,facilités qu’on leur a données-',, ont engagé-
plufieurs familles à venir s’y fixer. - Depuis-
leur migration ,. ils. ont expédié plufieurs navires
dans* différentes mers , où ils ont eu- le
pins grand fuccès. Les fienrs Rotch fur-tout
principaux habitans 8c armateurs de cette-
rie, ont fait à- eux feuls d e nomb.reufes expéditions
-, qui toutes-onf parfaitement réuffi».
Le Roi a accordé une proteétion fpéciale-
à cet établiffemeut Sa Màjefte a chargé
M. Chardon ,en qualité de fon Gommiffaire*
en cette partie, de' furveiller toutes les opérations
des N-antuckois , 8c d?èn • rendre
, compte à fes Minifires- Ainfi nous avons,
lieu d’efpérer que ces armemens fe multiplieront
dans la fuite ,. 8c que nous verrons:
bientôt la France rivale des autres Nations
qui pratiquent la pêche de la Baleine avec le
plus de fuccès..
Pour compléter cer article, il me refie- à
parler de la manière dont fe- pratique la-
pêche de la Baleine: Celle de Spitzberg eft
aujourd’hui la plus profitable-de toutes : 011
y envoyé tous les ans environ trois cent cinquante
vaiffeaux. de- différentes Nations »
principalement de France , de Hollande»
d’A n g le te r r ed e Danemarck , d’Hambourg »
& de Brème 1 les. Hollandois feuls y en om
moins cent. On n’gmploie pour cette
pêche que des vaiffeaux d’une forte conflruc-
tion , accompagnés chacun de fix ou fept
chaloupes , qui ont vingt-oinq pieds de longueur,
fix pieds 8c un tiers de large, 8c trois
pieds de profondeur du plat bord à la quille.
Dans chaque chaloupe, il y a quatre rameurs,
un patron , 8c un harponneur. Son équipage
eft compofé de fept pièces de cordage fin ,
de cent vingt braffes chacune , de douze
braffes de cordage blanc fort fouple, de trois
harpons , de fix lances , d’un hachot à marteau,
d’un épiloir, d’un pieu armé de fer
pour amarrer fur la glace, d’une bouffole,
& d’un pavillon. Les vaiffeaux partent de
France en mars , & reviennent en fèptembre.
Ils arrivent au lieu de la pêche dans le mois
d’avril, faifon où les Baleines fe réuniffent
en fi grand nombre entre le foixante-dix-fep-
tième & le foixante-dix-neuvième degré de
latitude, qu’elles repréfentent dé loin , par
les jets d’eau qui fortent de leurs évents , les
cheminées d’une grande ville : il en paroît
auffi beaucoup pendant l’été fur les côtes
d’Iflande (1 ). Aufli-tôt que le matelot Guetteur
, placé au haut de la dune en vedette,
aperçoit de loin une Baleine, il donne le
lignai; 8c à l’inflant, 011 fait partir les chaloupes.
A force de- rames, on approche en
filence de l’animal. L e plus hardi 8c le plus
vigoureux pêcheur eft fur l’avant de fa chaloupe,
tenant le harpon de la main droite,
la pointe tournée à gauche, avec la première
des deux cordes auxquelles il eft attaché (2).
Lorfque la chaloupe eft parvenue à la dif-
tance d’environ trente pieds de la Baleine,
le harponneur lance avec force 8c adreffé le 1
(1) « On voit une grande quantité de Baleines, fur-tout
» dans 1 été, fur les côtes d’Iflande. J’en ai vu douze ou
» quinze enfemble, à cinq ou fix lieues de terre, dans le
» Nord des îles aux oifeaux. Je leur fis tirer une vingtaine
» de coups à boulet pour exercer mes cannoniers, qui en
» blefserent plufieurs ». Rel. d’un voy. dans la mer du
•Nord, par M. de Kuergelen- Tre'marec , page 52.
(2.) Les Bafques paifent pour les plus habiles harpon-
neuts. On a vu deux chaloupes, l ’une bafque, l ’autre
hollandoife, courir en même temps fur une Baleine.
- e le-ci arriva la première; mais pendant qu'elle cher-
C oït a s approcher , le harponneur bafque lança fon
Hmrument par deffus la chaloupe holiandoife, & , fuivant
* °* ’ Baleine fat à lui. Nope communiquée par
Wp CJiaidon,
harpon fur les endroits les plus fenfibles du
corps de l’animal, tels que le deffous de
l’o u ïe , la plus grande partie du dos 8c le
deffous du ventre. Ce harpon eft un infiniment
de fer légèrement trempé , de deux
pieds de longueur, avec un manche de bois
de fept pieds de long , plus gros en haut
qu’en bas, & creux jufqu’à la moitié pour y
faire entrer le fer : Ja pointe du fer eft triangulaire
& a la forme d’une flèche. Le poids
étant en bas * de quelque manière que le
harpon foit lancé, il tombe toujours fur fa
pointe. A ce fer , près du manche , font
attachées les douze braffes de cordage blanc :
on les roule , afin qu’elles ne retiennent
point. Je harpon iorfqu’on le lance. Cette
corde eft liée aux autres pièces de cordage »
qu’on file à mefure que l’animal s’éloigne.
Dès que la Baleine fe fent bleffée , elle
prend la fuite 8c plonge dans la mer. On
file alors la corde, en obfervant qu’elle paffe
diredement par le milieu de la chaloupe,
q u i, fans cette précaution, feroit infailliblement
renverfée. A mefure que l’animal s’enfonce,
on lâche plus de, corde; 8c fi la
chaloupe n’en a pas affez, on prend celle
des autres. Le harponneur mouille fans ceffe»
avec une éponge, le bord que la corde frotte
en filant, dans la crainte qu’un mouvement
fi rapide n’y mette le feu ; tandis qu’un matelot
expérimenté, qui eft fur l’arrière pour
gouverner la chaloupe avec fon aviron, ob-
lerve de quel côté la corde file , 8c fe règle
fur fon mouvement. On a foin de ne pas
trop lâcher la corde aux Baleines qui fuient
au niveau de l’eau , parce qu’en s’agitant,
elles pourroient l’accrocher à quelque rocher
8c faire fauter le harpon. Cette manoeuvre
dure quelquefois plus de quatre heures.
Lorfque la corde paroît lâche 8c qu’elle ne
fait plus pencher l’avant de la chaloupe, on
ne penfe qu’à la retirer. Un des pêcheurs la
roule à mefure qu’on la tire , pour être en
état de la filer avec la même facilité, fi la
Baleine recommençoit à fuir. Les autres chaloupes
fuivent celle qui eft attachée à la Baleine
, pour la remorquer ; 8c le bâtiment,
toujours à la voile, la fuit auffi, foit afin de
ne point perdre de vue fes chaloupes, foit
pour être a portée de mettre à bord la Baleine
harponnée.
Ordinairement la Baleine, quelque temps
après avoir été harponnée, revient fur l’eaa
pour refpirer. Alors toutes les chaloupes
d ij