Ces questions, sur lesquelles chacun peut dire à peu
près ce qu’il v eu t, ne peuvent être , ce nous semble,
sulfisamment éclaircies dans l’état actuel des choses,
et demeureront toujours très-obscures.
Quelles que soient d’ailleurs les preuves ou les
raisonnemens qu’on apporte pour retrouver le berceau
des insulaires du Grand-Océan ou celui des habitans
de la Nouvelle-Hollande , toujours pourra-t-on
demander d’où viennent ces hommes si extraordinaires
de l’ile de Van-Diémen , qui ne ressemblent à aucun
des peuples qui les avoisinent.
Nous dirons seulement un mot sur la manière dont
quelques îles ont pu se peupler par des pirogues, que
les vents et les courans jetaient au large et portaient
sur des terres que le hasard leur faisait lencontrer.
Les navigateurs parlent de ces accidens qui ne sont
point rares. Un témoin oculaire nous cita un événement
de ce genre arrivé dernièrement à une pirogue ,
qui de l’île Rotouma fut portée sur les îles Viti ; cependant
la distance qui les sépare est d’environ cent
lieues.
Tout porte à croire que c’est ainsi que Tikopia , située
au milieu d’îles habitées par la race noire , aura
été peuplée accidentellement par la race jaune. Néanmoins
diverses circonstances peuvent faire penser que
cette dernière race est plus ancienne dans cet archipel
que la première , qui parle sa langue , et qui n’aurait
pas manqué de s’emparer de toutes les iles environnantes.
Voici un fait arrivé de nos jours,
Parmi les Tikopiens qui nous accompagnèrent à
Vanikoro, se trouvait un naturel de quarante ans
environ ; il nous dit être des îles des Amis , distantes
d’environ deux cents lieues. D’après son récit, étant
sorti fort jeune de Vavao dans une assez grande pirogue
avec huit des siens , des vents violens et les courans
les portèrent au large. Bientôt ils ne purent se
diriger ni retrouver leur route. Abandonnés ainsi à
la merci des flots , ils eurent à sou ffrir horriblement
de la faim jusqu’à l’instant où , jetés sur Tikopia , ils
furent accueillis par un peuple semblable à eux. Autant
qu’un enfant de sept à huit ans peut se le rappeler,
il dit qu’aucun d’eux ne mourut. Cela est vrak
semblable, lorsqu’on sait combien ces hommes supportent
facilement une longue abstinence Les Carolinois
, dans leurs longues navigations , se contentent
souvent d'un seul fruit de coco par jour.
Ainsi la nature se s e r t, pour répandre les races
humaines, des moyens qu’elle emploie pour multiplier
les végétaux , dont les fruits abandonnés sur les eaux
flottent long-temps avant que d’aborder aux lieux
où ils doivent prendre racine. Dans celte grande
Nous avons été la cause involontaire de ]a perte de cet insulaire, qui
avait déjà échappé à un si grand danger. Après être venu à Yauikoro sur
VAstrolahe, avec quatre de ses compagnons, il voulut ainsi qu’eux regagner
Tikopia dans une frôle pirogue. Leur départ eut lieu le soir par un temps peu
sûr. Ils vinrent nous faire leurs adieux. Nous les comblâmes de tout ce qui
pouvait leur ôtre agréable, et kintcrèt que nous leur portions nous donnait des
craintes sur la hardiesse de leur entreprise. En effet, nous avons appris
par M. Legoarant de Tromelin, commandant la corvette la IJayonnaise, qui
a visité Tikopia quelque temps après nous, que ces hommes courageux n’avaient
point reparu dans l’île.