ILES VITI.
Les îles Viti, situées dans le Grand-Océan non
loin du tropique du Capricorne, forment vers l’Est
la dernière limite de la migration des hommes noirs.
Cette race , qui occupe complètement cet archipel,
s’est constamment tenue isolée des habitans des îles
des Amis qui les touchent pour ainsi dire. Cependant
file de Laguemba, située dans la partie orientale des
îles Viti, est souvent fréquentée par les insulaires de
Tonga, et le sang s’y trouve quelquefois mélangé.
En faisant la géographie de cet archipel nous n’y
avons point trouvé de p o rt, et le mauvais temps nous
a empêchés d’y relâcher. Toutefois nous avons eu à
bord pendant quelques jours plusieurs naturels de
l’île Embaou, au nombre desquels il s’en trouvait u n ,
nommé Toumboua-Nakoro, qui était doué d’une rare
intelligence. Par un beau temps nous communiquâmes
av'ec une centaine d’autres habitans de Viti-Lé-
vou. En général, tous ces Vltiens étaient de fort beaux
hommes. Quelques-uns avaient de cinq pieds cinq
pouces à cinq pieds dix pouces. Bien pris dans leurs
proportions et sans tendance à l’obésité , plusieurs
auraient pu servir de modèle et offraient cette vigueur
et cette sécheresse de formes que l’on remarque dans
la statue du gladiateur combattant. Leur peau est
d’un noir tirant sur le chocolat ; ils ont le haut du
front élargi de même que le nez ; leurs lèvres sont
grosses; cependant quelques-uns avaient d’assez
beaux traits fortement prononcés. Leur chevelure est,
comme celle des Papous, très-ample et très-frisée;
ils en prennent le plus grand soin dès l’enfance ; elle
est naturellement noire, et ils augmentent encore
l’intensité de cette couleur au moyen du charbon.
D’autres , à l’aide de la chaux, la rougissent, la blanchissent
ou la rendent blonde ; ces diverses substances
épaississent les cheveux et les font ressembler à
du crin frisé. Quelques-uns les taillent en rond avec
beaucoup d’art, tandis que d’autres les divisent en
deux touffes par un large sillon qui va d’une oreille à
l’autre ; ils maintiennent cet appareil avec une étoffe
blanche et claire de mûrier à papier, disposée en forme
de turban , ce qui leur donne l’air de Musulmans.
Leur tatouage est en relief, c’est-à-dire que sur les
bras el la poitrine ils se creusent des trous qu’ils avivent
jusqu’à ce que la cicatrice se boursoufflant devienne
grosse comme une petite cerise. Pendant le
temps qu’elle met à se former, ce sont autant d’ulcères
dégoùtans. Le tatouage par empreinte, qu’ils doivent
avoir emprunté aux îles des Amis , est peu répandu;
on en devine facilement la raison. A quoi servirait-il
sur une peau noire ?
Une industrie qu’ils ont manifestement apportée
avec eux dans leur migration , c’est la fabrication des
vases de terre qu’on ne trouve dans aucune des îles
du Grand-Océan, pas même à Tonga-Tabou , qui est
si près d’eux ; ils n’ont point l’usage du bétel ; ils pratiquent
la circoncision , comme à Tonga el clans beaucoup
d’autres îles. L’horrible coutume de manger les
II