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Que d’erreurs entassées de la meilleure foi du
monde depuis que l’on écrit des voyages ! que d’assertions
fausses! que de déductions mal faites! que
de généralités erronées établies sur des faits isolés
relativement à la constitution physique des contrées
explorées et à leurs productions!.... L’esprit
de l’époque où nous vivons n’est pas d’attendre la
lente accumulation des faits, mais de les deviner
et de les devancer, pour ainsi dire , afin de leur
faire exprimer ce que l’on a conçu d’avance. Telle
n’est pas la bonne méthode ; telle n’est pas celle
que doit suivre tout esprit judicieux, moins désireux
de produire de l’effet, que d’offrir un petit
nombre d’observations bien faites et propres à servir
au grand édifice des sciences naturelles que
quelques-uns semblent péniblement s’efforcer de
détruire, à mesure que d’autres cherchent àl’élever.
Il arrive souvent que les remarques des navigateurs
sont aussi fugitives que les traces de leurs
vaisseaux. Dans ces courses rapides e t , pour ainsi
dire linéaires, au travers de tant de contrées diverses,
on ne peut pas toujours prétendre à porter
un jugement sûr; et comment le faire, au
milieu d’un panorama mobile dont les scènes se
succèdent avec rapidité, et changent même parfois
complètement à chaque nouvelle relâche ? A
ce défaut de temps et de calme viennent se joindre
l’imperfection des moyens , la difficulté de
pénétrer au-delà du rivage où l’on aborde , et
surtout l’ignorance de la langue qui ne permet
pas d'apprendre des naturels ce qu’on voudrait
et ce qu’il faudrait savoir. Si des faits généraux
nous descendons aux particuliers, nous verrons
que nos moyens d’investigations ne sont
pas moins bornés, lorsque nous voulons étendre
trop loin les considérations que font naître ces
faits. Ainsi, par exemple, bien qu’on ait parcouru
une certaine étendue de côtes dans un pays quelconque,
il ne sera jamais judicieux d’avancer que
telle production ne s’y trouve pas, parce que bientôt
un autre observateur, venant à la rencontre
r , fera crouler tout cet échafaudage de localités
géographiques qu’on se sera plu à élever.
Il est temps de ne v'oir que ce qui est ; et certes
il y a encore assez d’objets d’étude dans l’admirable
fécondité de la n a tu re , pour occuper
l’homme le plus laborieux , jaloux de ne publier
que des faits dont l’exactitude ne puisse un jour
être contestée. Tout le monde n’est pas appelé à
juger de la véracité de ceux qui reviennent de