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cette partie de la science, qui a resté si long-tems .dans une stagnation inconciliable
avec les progrès des autres branches de l’histoire naturelle ; et
il faut espérer qu’il en rejaillira une lumière très - favorable à la géologie,
dont la connoissance positive des coquilles vivantes et leur rapprochement
avec les coquilles fossiles, forment un des points les plus importuns.
Il s’est élevé, depuis quelque tems., au sujet des coquilles fossiles, une
opinion singulière qui mérite de trouver place ici; car si elle étoit en effet
conforme à ce que l’on avance, elle ouvriroit bientôt un vaste et nouveau
champ à de grandes théories. Or,, comme cette question touche de près au
sujet qui nous occupe, c’est-à-dire, à la description des coquilles qu’on
trouve dans les montagnes des environs de Maestricht, et que cellesrci sem-
. blent donner un certain poids à cette opinion, il est nécessaire de la bien
développer.
Quelques naturalistes, mais ils sont en petit nombre à la vérité, prétendent
que toutes les coquilles fossiles, sans exception, malgré leur ressemblance
avec quelques espèces analogues connues et vivantes actuellement
dans telle ou telle mer, ont néanmoins quelques différences constantes,
qui ne permettent pas d’affirmer avec certitude que ce sont les mêmes coquilles.
D’autres ont porté cette opinion plus loin encore, en assurant que cette
différence s’étend même jusque sur les animaux et les grands quadrupèdes
fossiles dont on trouve tant de restes, non-seulement sous les zones méridionales,
mais encore dans le nord de l’Amérique et sur les vastes plateaux
de la Tartarie. Ceux qui ont adopté ce sentiment ne peuvent s’empêcher
néanmoins de convenir que les dépouilles remarquables de ces grands animaux
, que de terribles révolutions ont ensevelis et dispersés sur presque tous
les points de la terre, appartiennent incontestablement à des éléphans, à
des rhinocéros et à des hippopotames, très-ressembians à ceux que nous
connoissons ; mais qu’on y remarque cependant des différences dè grandeur
et sur - tout des caractères qui ne permettent pas de les considérer
comme ayant leurs analogues véritables dans ceux qui existent de nos jours.
Telles sont les objections et les remarques faites par quelques savans
à qui l’anatomie comparée n’est pas étrangère. Je ne discuterai pas ici ce
qui est relatif aux quadrupèdes, dont je ne fais mention que parce que
cette opinion sembloit venir à l’appui de l’autre; je me réserve d’y revenir,
lorsque je traiterai des crocodiles, relativement à celui trouvé dans les pierres
de Maestricht. Non que je prétende nier qu’il n’y ait des espèces perdues
ou dont les analogues nous sont encore inconnus ; mais je suis convaincu
que la plupart des dents, des défenses ou des crânes fossiles, d’hippopotames,
de rhinocéros et d’éléphans, soit d’Asie, soit d’Afrique (distinction
importante à faire ) , sont les mêmes que celles qui caractérisent
l’espèce de ces animaux qui vivent à présent en Afrique et en Asie, et que
les différences qu’on peut y remarquer ne tiennent qu’à des caractères variables
ou de ce qu’on a mal saisi les caractères génériques de l’espèce.
Mais il est tems de revenir aux coquilles fossiles.
Existe-t-il en effet des coquilles fossiles ou pétrifiées dont les analogues,
vivant actuellement dans telle ou telle mer, sont incontestablement reconnus
pour appartenir aux mêmes espèces ? ou y a-t-il, ainsi que quelques'personnesT’affîrment,
des différences assez remarquables pour né pas
permettre de les'considérer comme telles?
J’ai examiné cette question avec l’impartialité et l'attention que doit
avoir tout homme qui ne cherche que la vérité ; j’ai dans cette intention
fait plusieurs voyages en divers lieux riches en fossiles ; j’ai visité les plus
célèbres collections de la Hollande, de l’Angleterre, de l’Ecosse, de l’A llemagne
et de la France ; j’ai eu de fréquens entretiens à ce sujet avec des
naturalistes très-instruits dans la connoissance des coquilles; et tant de circonstances
m’ont' mis à portée d’affirmer que s’il y a beaucoup de coquilles
fossiles dont les analogues nous sont inconnus, soit que ces coquilles vivent
dans les abymes des mers ou sur dès plages qui n’ont pas encore été
visitées, ou qu’il y ait en effet un grand nombre d’espèces détruites, il
n’en est pas moins véritable qu’il existe sur les parties sèches de nos continens,
et dans des lieux très-éloignés de la mer, souvent même sur de très-
hautes montagnes, des coquilles fossiles bien conservées, bien caractérisées
, dont les analogues sont connus ; et ce qu’il y a de plus digne de remarque
, c’est que la plupart de ces analogues vivent à présent dans des
mers situées sous des régions brûlantes, tandis que les coquilles fossiles
analogues se trouvent en grande abondance, et souvent même par familles,
dans des terrains placés sous des latitudes tempérées, froides et même
glaciales.
Mais comme ceux dont je combats l’opinion ont le droit de me demander
les preuves de ce que j’avance, je vais les donner ici de manière qu’ils
puissent facilement les vérifier eux-mêmes, en citant les cabinets publics et
particuliers où se trouvent ces coquilles, et en y ajoutant les lieux où l’on
peut les rencontrer encore. O r , comme les détails que je vais donner à ce
sujet sont absolument neufs, et que l’on n’a rien publié encore en ce genre,
le lecteur voudra bien excuser cette digression, si importante pour la
théorie et en même tems si nécessaire pour l’histoire naturelle des coquilles
fossiles de la montagne de Saint-Pierre de Maestricht.