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sépulchrale, qu’ils se croyoient à l’abri par-là de tout danger ; tandis que
les autres habitans de la campagne, après avoir presque tout perdu, étoient
forcés de travailler aux redoutes sous le canon de l’ennemi. Cette comparaison
adoucissoit l’ennui de leur triste captivité. Ils n’osoient pas cependant
sonder toute la profondeur de ces manoirs ténébreux; mais comme
plusieurs d’entre eux avoient travaillé dans quelques-unes de ces carrières,
ils pouvoient en parcourir un assez grand nombre sans s’égarer, et connoissoient
même quelques issues lointaines pour s’évader en cas de surprise.
Un accident inattendu vint troubler leur repos peu de tems avant la
fin du siège.
Un des porcs, ennuyé de ne pas respirer le grand air, s’échappa un
jour de sa loge ; il partit à toutes jambes , sans savoir où le conduiroit la
route tortueuse dans laquelle il s’étoit engagé. L ’animal courut si vite,
qu’après avoir parcouru un long trajet sans trouver aucune issue, la crainte
ou plutôt une sorte d’instinct, lui fit pousser des cris aigus et prolongés ,
comme s’il eût réclamé l’assistance de quelqu’un ; mais il étoit loin de ses
maîtres ; il les appeloit vainement, et se trouvoit très-près d’un débouché
gardé par des soldats qui l’entendirent. Ceux-ci, agréablement surpris
d’une aussi bonne fortune à une époque où ils faisoient maigre chère, allèrent
au-devant de l’animal, qui accourut à leur voix et fut aussitôt saisi.
L ’aimable gaieté de ces jeunes militaires françois leur suggéra sur-le-
champ un stratagème qui leur réussit au mieux; ils se réunirent au nombre
de douze, se procurèrent des chandelles, quelques cordes et du charbon,
pour iiacei une ligne euntro les murs à mesure qu’ils avanceroient
dans la profondeur des galeries, afin de ne pas s’égarer. Ces préparatifs
aussitôt exécutés que conçus, ils entrent dans les souterrains, amenant
avec eux le porc fugitif lié par une patte ; et à peine ont-ils parcouru une
longueur de deux cents toises qu’ils font crier le prisonnier en lui pinçant
les oreilles. Ils marchent ainsi en avant, et au bout d’une demi-heure,
il leur arriva deux nouveaux porcs, attirés par les cris de l’autre. Ceux-ci
sont saisis à leur tour, conduits en triomphe, et bientôt on les immole au
dieu Mars. Ce singulier stratagème, cette ruse de guerre d’un nouveau
genre, parut très-piquante à ces jeunes militaires, qui s’en amusèrent beaucoup.
On ne confia l’aventure qu’aux amis; ceux-ci en firent part à d’autres,
et quelques jours après des soldats de toute arme essayèrent cette espèce de
chasse ; mais le porc qui avoit servi d’appât n’existoit plus. Vainement
chercha-t-on à imiter ses cris ; soit que les paysans, troublés par la première
alerte, eussent délogés pendant la nuit ou se fussent cachés dans
les galeries les plus lointaines, il ne fut plus possible de se ravitailler
ainsi à leurs dépens.
Nous continuâmes notre route sous les auspices des guides, qui nous
précédoient ; les flambeaux qui éclairoient notre marche se trouvant disposés
sur divers plans, et quelques-uns à de grandes distances, nous met-
toient à portée de jouir des plus singuliers effets de lumière, en même
tems que ceux qui étoient les plus rapprochés, nous permettoient de considérer
les objets de très-près.
Nous n’étions pas encore au milieu de notre course, lorsqu’un des officiers
d’artillerie légère qui conduisoit la caravane, vint nous avertir
qu’il falloit tous nous réunir, et faire ici une station, pendant qu’il iroit
avec deux ou trois sapeurs à la découverte d’une galerie un peu détournée,
dans laquelle il désiroit nous faire entrer pour voir ce que l’on y avoit découvert
depuis peu de jours.
Il n’étoit pas facile de reconnoître ce qu’on cherchoit au milieu de tant
d’arcades qui nous environnoient de toute part; cependant comme ce
jeune officier, très - intelligent, s’exerçoit journellement à sonder le terrain,
et à étudier cette partie des galeries, pour reconnoître toutes les issues
qui pourroient correspondre sous le fort de Saint-Pierre; il ne tarda
pas à revenir, et nous engagea à le suivre. Il avoit placé auparavant un soldat
avec un flambeau sur la route que nous allions quitter, pour nous
remettre sur la même voie au retour.
A peine eûmes-nous fait cent pas en détournant à droite, que nous
nous trouvâmes dans une galerie vaste et exhaussée, mais qui différoit
des autres en ce que les deux murs qui la forment sont contigus, c’est-
à-dire , sans ouvertures latérales, tandis que les autres sont percées de
toute part d’arcades, qui embarrassent le voyageur et l’exposent à s’égarer
à chaque instant. I c i, au contraire , l’on se trouve comme dans une longue
et large rue , en quelque sorte isolée des autres, et qui de loin paroît
n’avoir d’autre issue que celle par où l’on est entré.
Nous étions arrivés vers la moitié de cette espèce de caverne, lorsque les
flambeaux qui nous précédoient, nous permirent de voir d’assez loin un
objet qui ressembloit à un homme étendu sur la terre, comme s’il dormoit.
Cette idée, à mesure que nous approchions, sembloit se confirmer ; et cet
homme fixoit de plus en plus notre attention, lorsque la lumière frappant
sur lu i, nous fit appercevoir le corps d’un mort. Le lieu, l’état de
ce malheureux, excitèrent en nous une surprise mêlée d’horreur. Ce n’étoit
plus qu’un squelette desséché, vêtu d’un habit; un chapeau à côté de sa
tête, ses souliers détachés de ses pieds et un chapelet près d’une main. On
jugeoit, à son costume, que ce devoit être un ouvrier qui, s’étant é;
dans ces réceptacles souterrains, y avoit péri de faim et de désespoir. L ’éi:
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