
À :
li'l
D’après les avantages reconnus de cette méthode, l’assentiment général
•a dû l ’ériger en loi ; il ne s’agit donc que de s’occuper à la perfectionner,
ainsi que l’ont déjà entrepris des savans d’un grand mérite, et d’accoutumer
insensiblement toutes les langues vivantes à la recevoir : c’est ce que
l ’on commence à faire; car si l’on veut rendre la science plus généralement
utile, et.la faire tourner à l’avantage du plus grand nombre, il faut la dégager
peu à peu de cette surcharge de mots prétendus grecs, créés depuis
quelque tems, détruits, renouvellés et présentés jusqu’à satiété sous toutes
les livrées du pédantisme et de la barbarie.
Il né faut pas-imaginer'que la langue françoise répugne autant qu’on
pourroit le croire à se plier au langage des sciences exactes, si des hommes
habiles qui réuniroient le goût des lettres et de belles connoissances à un
profond savoir r vouloient s'occuper à faire d» bons livres élémentaires en
histoire naturelle; car l’on sait qu’il n’y a que des hommes très-consommés
dans les sciences qui soient en état de publier les meilleurs ouvrages en ce
genre. ; ■■ ■ - . ■ ■
C’est à Linné, sans doute, qui a posé les véritables bases de l’histoire naturelle
, que nous devons la manière méthodique de l’étudier. J’ai déjà fait
voir, dans le corameiicement.de cet ouvrage, en disant un mot sur ce sujet,
que les Bonnani, les Rumph, les Listers, les Gualtieri et autres habiles
chonchiliologistes, s’étoient égarés pour n’être pas entrés dans la bonne
route. Il y avoit peu d’inconvéniens sans doute à cela, pour ceux qui ne s’oc-
cupoient des coquilles que comme d’un objet de délassement ; mais dès
que les bons esprits sentirent le parti avantageux qu’on pouvoit tirer de cette
étude, relativement k tant d’être.sj de refte espèce qu’on trouve , pour ainSl
dire, dispersés de toute part, dans un état fossile, sur la surface du globe;
on ne put s’empêcher de ■voir avec douleur que cette partie, qui étoit encore
dans l’enfance, devoit nécessairement répandre une incertitude fatigante
sur leurs savantes recherches.
Il falloit donc être vivement frappé du grand intérêt que présentoit à la
philosophie tant de restes d’itnimaux qui ont peuplé l’antique Océan à des
époques très-reculées, et probablement plus d’une fois réitérées, pour oser
porter ses pas dans une carrière d’un accès aussi difficile. Mais cette ardente
curiosité, ce désir si naturel à l’homme de connoître les objets qui
l’environnent, ainsi que ceux qui sont les plus hors dé sa portée, lui ont
fait surmonter plus d’une fois des obstacles invincibles en apparence.
. .Zi :
Ainsi; sans compter les auteurs de l’antiquité qui n’ont pas manqué de
fixer leur attention sur ces grands objets, l’on vit, peu après la naissance
de l’imprimerie, plusieurs savans françois, allemands et italiens, embrasser
avec une sorte d’avidité cette belle partie de l’histoire naturelle, dont les
résultats, sembloient leur promettre de si étonnans apperçus sur les vicissitudes
nombreuses qu’a éprouvé et qu’éprouvera probablement encore, cette
terre si grande.pour nous, presque nulle pour la nature, sur laquelle nous
ne passons que quelques instans au milieu de tous les maux physiques,
et les jouets perpétuels des tempêtes morales, dont l’homme se rend lui-
même le créateur.
L ’on ne sauroit douter à la lecture des ouvrages des estimables et laborieux
naturalistes qui écrivoient à cette époque sur cette matière, et qui
senîoient tout l’avantage qu’elle offroit à la philosophie, combien ils se
sont trouvés embarrassés toutes'les fois qu’il s’àgissoit de comparer les coquilles
fossiles à celles qui vivent actuellement dans les différentes mers ;
les uns, sentant la nécessité d’une classification méthodique, faisoient vainement
des efforts pour y parvenir; les autres travailloient, pour ainsi dire,
au hasard, et confondoient tout: il en est résulté que tant de travaux seroient
à jamais perdus pour la science, si le plus grand nombre n’avoit
senti la nécessité d’enrichir les livres de figures, et si les autres ne s’étoient
attachés à citer avec exactitude les lieux, où se trouvoient les coquilles fossiles
qui avoient fixé, leur attention, et qu’on y retrouve encore avec un
double intérêt. . .
Linné, ainsi que je l ’ai déjà dit; vint heureusement débrouiller ce chaos,
en ouvrant une route nouvelle, ou plutôt la véritable route; mais comme
à l’époque où ce naturaliste à jamais célèbre publia son système, les cabinets
qu’il fut-à iporîé© de consulter n’étoient pas, à beaucoup près, aussi
riches,, ni aussi nombreux , que depui.*? que les Hollandois ont recherché
avec tant de soin les coquilles dans leurs possessions indiennes et dans
leurs voyages de long cours, souvent même pour en faire un objet de commerce
, et que d’ailleurs les voyages d.e Bougainviile, de Cook et de quelques
autres célèbres navigateurs, ne nous avoient pas encore valu les riches
et nombreuses pi’oductions des mers du Sud, ainsi que celles des mers Glaciales
le système de Linné se trouva nécessairement borné à un nombre
trop insùffisant de genres.; mais ce grand homme se proposoit de revenir
un jour sur ce,travail ; il invita même les naturalistes à perfectionner ce qu’il
ne Gonsidéroit lui-même que comme une ébauche; mais cette esquisse
étoit le plan du plus superbe édifice.
Bruguière, si versé dans l’étude des coquilles dont il faisoit sa principale
occupation, adopta la méthode de Linné , comme la plus sûre, dans
XEncyclopédie par ordre de matières', mais il augmenta considérablement
les genres et les espèces, et désigna avec précision les lieux qu’habitent les
coquilles : un long voyage qu’il avoit fait dans les mers de l’Inde, le mit à
A
¿ f