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« ne laissent plus subsister aucun doute sur le genre d’animaux auxquels
« ont appartenu ces immenses mâchoires et ces vertèbres que les natura-
« listes ont attribué les uns à des crocodiles, les autres à des mammifères
« cétacés.
« II est étonnant sans doute que feu mon père ayant une fois pris ces
« mâchoires et quelques vertèbres détachées pour celles d’une espèce in-
« connue de cétacé, n’ait pas examiné et comparé avec les squelettes de
« marsouins et de crocodiles les deux morceaux les plus curieux de sa col-
« lection. Le premier consiste dans une suite de douze vertèbres dorsales ;
« le second dans une autre de quatorze vertèbres de la queue : il en seroit
« venu tout naturellement à conclure : 1“. que cette partie du dos et cette
« autre de la queue n’ étoient point d’ un cétacé; 2®. qu’ elles ne pouvoient
« être que d’un reptile saurien C’est alors que le mot de l’énigme au-
« roit été connu; car il auroit découvert ce que j’ai trouvé, quoique fortement
« prévenu de l’opinion contraire. Que non-seulement les mâchoires, mais
« toutes les vertèbres et la plus grande partie des ossemens qui ne sont
« pas lès débris de tortues , sont du squelette d’une espèce inconnue de
cc j-eptile saurien qui a présenté dan9 sa stmcture de grands rapports avec
« les crocodiles et les autres lésards en même tems. Enfin, qu’il n’existoit
cc dans sa collection et peut-être dans aucune autre des ossemens qui eus-
cc sent appartenu à des cétacés et qui se soient trouvés dans ces carrières. »
Camper fils donne ensuite des détails d’anatomie comparée, et la description
la plus minutieuse, mais en même tems la plus instructive, des vertèbres
, des os maxillaires et autres parties anatomiques qui forment le
complément des preuves qui servent à appuyer son opinion.
Il termine ainsi son savant mémoire :
cc V o ilà , je crois, assez de preuves pour ce qui regarde la similitude de
cc la structure osseuse, pour être persuadé que ces mâchoires sont d’un rep-
c< tile saurien. Celles qu’on peut tirer de la dentition ne sont pas moins so-
« lides. Faujas a très-bien remarqué que le renouvellement des dents du
cc crocodile a beaucoup de rapport avec celui des amphibies de Maes-
« tricht, etc. »
Van Marum , que j’eus le plaisir de voir il y a peu de mois à Paris, au
retour d’un voyage qu’il venoit de faire en Suisse, me dit qu’après avoir lu
avec attention le mémoire de Camper, il adoptoitson opinion, en ajoutant
que j’avois eu raison d’annoncer dans les premiers cahiers de VHistoire
naturelle de la montagne de Saint-Pierre de Maestricht, que l’animal
appartenoit à un crocodile d’une espèce inconnue.
Environ un an après la publication du mémoire de G. Camper, l’on fit
dans une des carrières de Sechen, à une lieue de Maestricht, une découverte
d’ossemens fossiles de diverses formes et grandeurs, d’autant plus intéressante
qu’on put enlever deux blocs, dont l ’un renfermoit vingt-cinq
vertèbres dorsales, dont vingt-quatre étoient réunies et dans leur position
naturelle , c’est-à-dire, placées de file et emboîtées de manière à présenter
une épine dorsale de trois pieds neuf pouces de longueur.
On trouva en outre trente-sept vertèbres détachées non loin du bloc
dont je viens de faire mention, la plupart sont de forme alongée, et leur
structure décroissante les fait considérer comme ayant appartenu à la queue
d’un grand animal. Le professeur de l’école centrale de Maestricht qui fit
parvenir à l’administration du Muséum d’histoire naturelle une notice sur
cette découverte, dans laquelle je puise les principaux faits, pense qu’en
réunissant l’ensemble de ces vertèbres longitudinales, dont plusieurs même
se sont trouvées jointes bout à bout; i l en résulteroitune queue de la longueur
de quatre pieds neuf pouces, et qu’on pourroit même porter à cinq
pieds quatre pouces, en y réunissant quelques autres os qui paroissent
en dépendre.
En continuant cette exploitatien, les ouvriers retirèrent de la même
carrière un autre bloc de pierre, renfermant onze vertèbres réunies , ayant
en tout deux pieds neuf pouces de longueur. M. Hermann, professeur de
dessin à l’école centrale de Maestricht, figura de grandeur naturelle ce beau
morceau : son dessin, grâce à l’amitié de mon célèbre confrère au Muséum,
Lacépède, me fut communiqué, d'après la demande qu’il en fit à l’école
centrale, dans son passage à Maestricht ; je le fis réduire au tiers de sa
grandeur par Maréchal, peintre en histoire naturelle; ce qui me dispense
d’en donner ici les mesures pièce par pièce, et évite l’ennui et la secheresse
de ces répétitions de mesures.
C’est ce dessin réduit que j ’ai fait graver et représenter dans cette planche;
il prouve mieux que tout ce que je pourrois dire que l’animal de
Maestricht n’a jamais appartenu à un cétacé, mais à un crocodile d’espèce
nouvelle et inconnue jusqu’à présent.
J’ai fait graver sur la même pierre deux coquilles, un petit pecten et
\xriQ lime, afin de caractériser la nature de la pierre dans laquelle on
trouve beaucoup de coquilles, particulièrement des amas d’oursins, des
limes, des peignes et autres testacés. Lacépède , qui a vu les objets en nature
dans son passage à Maestricht et qui partage plus que jamais mon
opinion sur ces animaux qu’il considère comme des crocodiles, a reconnu
sur les lieux des dents de jeunes crocodiles à coté des os qui avoient