
toutes ses dépendances, celle des animaux de la mer et des etres vivans
qui peuplent la terre, et connoître non-seulement leur configuration extérieure
, mais encore les principaux caractères de leur organisation interne.
Pierre Camper fut un de ceux qui sentit le plus fortement cette importante
vérité, et qui la mit en pratique avec autant de zèle que de constance.
Son esprit actif, ses vues grandes, ses connaissances profondes et
variées, lui fournirent tous les uaoyens d’avancer l’histoire naturelle anatomique
des animaux, et d’y répandre des lumières et une sorte de charme
qui tient au génie, et qui adoucit en quelque manière l’espèce d’aridité
attachée à ces sortes de sujets où l’image de la destruction doit servir de
type au tableau des êtres vivans.
J’ai vu les beaux et nombreux dessins faits de sa main qui annoncent
l’étendue des travaux qu’il avoit entrepris sur les cétacés, ainsi que sur
d’autres animaux de la mer; j’ai vu avec le plus grand intérêt tout ce qu’il
avoit figuré sur les éléphans , sur les rhinocéros et sur des parties d’ossemens
fossiles qui avoient appartenu à des animaux dont ii cherchoit à
reconnoître les espèces.
Les voyages, les sacrifices pécuniaires, les peines n’étoient rien pour
lui, toutes les fois qu’il s’agissoit de recherches ou de découvertes propres
à agrandir le domaine de la science ; l’on est bien convaincu de son zèle
et son noble désintéressement, lorsqu’on sait combien il a fait de démarches
soit pendant la vie d’Hoffmann, soit après la mort de cet infatigable
collecteur des productions fossiles de Maestricht, pour se procurer les objets
qui manquoient à ses collections, particulièrement parmi cette multitude
de vertèbres, de dents et autres ossemens variés qu’on trouvoit en si
grande abondance dans le centre de la colline de Saint - Pierre de Maestricht
et des autres proéminences qui entourent cette v ille, et qui ont acquis
depuis lors tant de célébrité parmi les naturalistes qui s'occupent de
recherches sur les restes antiques de ces animaux enfouis à de grandes profondeurs
dans des pierres sablonneuses et friables mélangées d’une multitude
de coquilles, de madrépores et d’autres productions de la mer.
Ce fut Camper qui reconnut le premier les vertèbres et les omoplates
d’une grande espèce de tortue ; cette découverte fut confirmée lorsqu’on
trouva , quelque tems après, dans la montagne de Saint-Pierre , plusieurs
écussons de ces mêmes tortues; mais une des choses qui fixa le plus son attention
et devint l’objet de ses méditations , cc fut cette mâchoire gigantesque,
presqu’entière , trouvée en 1780 à quatre-vingt-dix pieds de profondeur
dans la montagne de Saint-Pierre. Camper, qui se rendit sur-le-
champ à Maestricht pour visiter ce singulier et rare fossile qui étoit alors
au pouvoir d’Hoffmann, prononça au premier aspect qu’il devoit avoir
appartenu à un animal du genre des crocodiles.
Quelque tems après, j’eus le plaisir de voir Camper à Paris, chez Buffon
, qui accueillit le naturaliste hollandois d’une manière aussi honorable
pour l’un que pour l’autre, et qui, ayant pris connoissance de son travail
sur les cétacés, offrit de faire graver à ses frais les cinquante dessins qui
formoient cette belle collection , afin d’en faciliter la jouissance aux savans
et avancer par-là l’histoire naturelle de ces grands animaux marins encore
peu connus (1).
Peu de jours après, Camper, étant venu visiter ma collection de fossiles,
m’exhorta beaucoup à me rendre à Maestricht, pour y observer
toutes les richesses en ce genre que renferme ce pays. Il me parla avec une
sorte d’enthousiasme sur-tout des grands os maxillaires du crocodile, et
d’une mültilude de vertèbres et d'autres dépouilles d’animaux qui méritoient
toutes l’attention des naturalistes , et qui éioient très-propres à répandre
des lumières sur les révolutions du. globe. Cet illustre savant eut la
bonté de m’offrir de m’accompagner par-tout, et de m’engager à aller étudier
sa propre collection à la Haie, où il avoit réuni beaucoup de fossiles,
particulièrement ceux de la montagne de Saint-Pierre.
Ce fut alors qu’il me dit qu’ayant pesé depuis lors son opinion concernant
l’animal de Maestricht, qu’il avoit considéré d’abord comme un crocodile
, il éprouvoit des doutes à ce sujet qu’il étoit bien aise d'éclaircir; et
que pour aller à la recherche de la vérité, il étoit déterminé à faire un
voyage à Londres et à étudier à fond dans les belles collections de Hunter,
ainsi que dans celles du Muséum Britannique, tout ce qui tenoit à l’ana-
tomie des crocodiles naturels. Il partit donc pour l’Angleterre. Ce fut là
qu’à la suite de plusieurs recherches, il adopta une nouvelle opinion sur
l’animal de Maestricht ; il ne le considéra plus dès-lors comme une espèce
particulière de crocodile, mais conime un cétacé d’autant plus rare, qu’il
en regardoit l’analogue comme perdu, ou comme n’ayant pas encore été
trouvé dans les mers connues. Il adressa à ce sujet une très-savante dissertation
à la Société royale de Londres, et il y pesa avec la plus grande impartialité
les raisons qui pouvoient contrarier son opinion , ainsi que Celles
qui servoient à l’appuyer, dans une question de fait d’autant plus importante
, qu’il la considéroit sous un double point de vue, celui de décrire
une espèce inconnue, et celui qui pouvoit résulter du lieu dans lequel cet
animal extraordinaire avoit été trouvé.
(i) Cette collection, composée de pins de cinqitanle pl;
fon; il faiiL espérer qu’A. G. Camper, son fils, publiera
son illustre père sur les cétacés.
ncbes, fut giarée par Descve fils aux frais de Bufili
jour le beau recueil de sayanles observations de