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ment nécessaire, pour ceux qui veulent obtenir des faits précis et méthodiques
sur les diverses révolutions du globe, dont les coquilles fossiles
dispersées de toute part sur les montagnes et dans les vallées, peuvent servir
à nous retracer l’histoire.
Personne n’ignore, il est vrai, que, sous un autre point de vue, la
forme, les couleurs et le superbe orient des coquilles les ont fait rechercher
avec une sorte d’avidité par toutes les classes d’hommes; l’enfance elle-
même , qui ne sait se rendre compte de rien, les prend pour l’objet de ses
plus aimables jouissances; le Sauvage se glorifie d’en faire sa parure, et le
naturaliste l’ornement de son cabinet. Pline nous d it , avec une sorte de
complaisance, que Scipion etLælius se délassoient de leurs travaux en examinant
les collections de coquilles qu’ils avoient formées : ce qui prouve
que ce goût général s’est manifesté de tous les tems, même chez les grands
hommes.
Ce penchant naturel pour ces belles productions de la nature, devoit
enfin conduire l’homme à les étudier ; mais tout est si singulièrement varié
en ce genre, les objets y sont si multipliés, les caractères méthodiques si
difficiles à bien connoître ( s’agissant ici de la demeure d’un animal et non
de l’animal lui-même qu’on observe), qu’iin'estpasécoimaiiique personne,
jusqu’en 1675, ait osé ouvrir cette carrière.
Il est probable que cette étude ne seroit jamais sortie de l ’enfance, oit
elle languissoit depuis si long-tems, et qu’on l’auroit considérée sans cesse
comme un pur objet de fantaisie et d’amusement, si des hommes véritablement
animés de l’avancement de l’histoire naturelle, vue philosophiquement
, n’avoient senti enfin combien il étoit important de l’approfondir,
pour en faire l’application à la connoissance de cette multitude de coquilles
fossiles, dont quelques-unes pouvoient nous offrir des analogues
existans dans telle ou telle mer, ou nous apprendre que des familles entières
ont été détruites, si toutefois elles n’existent pas encore dans la profondeur
des mers les pins lointaines (1).
( i ) Entendons à ce sujet le savant le plus instruit dans la connoissance des coquilles, et celui qui
auroit véritablement fixé les bases de cette science si la mort ne l’avoit moissonné de trop bonne heure.
« L ’homme cherche naturellement dans les sciences, dit Bruguières, quelque chose de plus noble
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La connoissance méthodique des coquilles n’avoit donc pas fait un pas
depuis les anciens jusqu’à nous , lorsque vers la fin du siècle dernier Daniel
Major, professeur à l’université de Kiel dans le pays de Holstein, imprima
à la suite des notes curieuses qu’il fit pour le Traité de la pourpre
de Fabius Colomna, une méthode systématique sur cette branche d’histoire
naturelle (1).
Le peu de ressources qu’offroient les collections de ce tems, le lieu où
Daniel Major écrivoit, devoient nécessairement influer sur ce genre d’ouvrage
, et cette esquisse, toute heureuse qu’elle étoit, ne pouvoit que renfermer
beaucoup d’imperfections dans plus d’un genre.
Quelques années après, Martin Lister, médecin de la reine Anne d’Angleterre
, mieux placé , et au milieu d’une nation commerçante qui avoit
déjà des flottes dans toutes les parties du monde, fit plus que Daniel Major
: sa distribution méthodique, fruit de l’examen et de l’étude d’un grand
nombre de coquilles, embrassa l’universalité du système, et il Je présenta
aux yeux en même tems qu’à l’esprit, en l’enrichissant de mille cinquante-
« et de plus consolant rjnfi l'ar oxx l’ étalage >Vune vaiue érudition; il désire au moins d’entrevoir
« dans le lointain les connoissances réelles, après lesquelles il aspire comme le seul fruit digne de ses
« travaux.
« L a conchyliologie, considérée sous ce rapport, ne manque d’aucun moyeu de piquería curiosité;
« non cette curiosité futile qui jouit de l’é clat des coquilles et de l’abus par lequel on se procure des cou-
« leurs que la nature a refusé, mais cette curiosité philosophique qui cherche à pénétrer la nature des
« choses, qui soutient le physicien dans ses recherches, le chymiste dans ses expériences, lenaviga-
« teurgéographe dans ses pénibles vo ya ge s , e tle naturaliste dans ses tra v a u x :il reconnoît que tous
« les êtres animés, môme les coquillages, subissent dans le fond de l ’eau les lois du climat comme le
« reste des animaux ; et sa surprise augmente lorsque, examinant les coquilles marines, qui forment
« des bancs considérables sur la surface de la ter re , il en reconnoît quelques-unes pour les mêmes que
« celles qui v ivent dans la m er, sous une température diiTérente de celle où il les rencontre dans l’état
« fossile. Ce s e u l ja i t , q u i e s t dé jà très-consiaté, rend la connoissance précise des coquilles indis^
« pensables p ou r parvenir à en connoître le s causes. » Encyclopédie méthodique, histoire naturelle
des v e r s , au m ot Conchyliologie, par B ruguières, tome I , page 609.
( l ) « Adlab orem , dit ce savant, îaquam, hune nemo auctoruni, }, ,e f fic c
« c ia ulla se composuit, s e d s i omnes ita congitare vellemus , quis tandem dissipata in mille
K lacunas doctrinoe ostracologicaefe r r e t auxilium , a d quain exornandam non minus, quam prae~
« dica/ida rnagnalia de i cestera tenemur. s Fabius Colomna, Traité d e la pourpre, édition de Kiel
de 1676.
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