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Avant Camper, l’anatomie comparée n’avoit pas encore reçu l’impulsion
que lui donna depuis ce célèbre naturaliste.
On vit ce professeur habile s’occuper avec un zèle et une activité qui te-
noient du prodige de la dissection de l’éléphant, du rhinocéros, de la
baleine et de plusieurs autres animaux, dans l’intention spéciale de faire
l ’application de ces connoissances à tant de restes de quadrupèdes et de cé-
tacées divers, qu’il semble que la nature ait voulu dérober à nos regards en
les ensevelissant dans la terre. Il ne perdit jamais de vue ce but unique de
ses travaux; et fit plusieurs voyages en Allemagne, à Londres, à Paris, souvent
pour vérifier un seul fait, ou pour voir des objets qu’on ne vouloit pas
lui vendre ; car généreux et désintéressé, comme ceux qui aiment véritablement
les sciences, il employoit une partie de sa fortune, qui étoit considérable
, à acquérir des livres ou des objets d’histoire naturelle dont il
savoit apprécier tout le prix.
Hii.
Il avoit un autre avantage bien important, que n’ont pas la plupart des
naturalistes ; c’est qu’il dessinoit avec autant d’art que de vérité : il avoit
merae une manière particulière et originale de rendre les objets, en faisant
toujours ressortir avec effet les parties essentielles qui devoient fixer la
principale attention de l’observateur.
Ce grand homme, qui joignoit à tant d’expérience et de savoir des qualités
sociales parfaites, alloit publier le résultat de ses utiles travaux, lorsqu’une
mort prématurée vint malheureusement le surprendre et l’enlever
aux sciences et à ses amis ( i ) ; cette perte ne fut pas une des moindres de
celles qui ont arrêté la marche de la £
Vic-d’Azir étoit fait pour s’occuper des mêmes travaux ou pour en entreprendre
de nouveaux dans ce genre.
Né avec un genie observateur, il se livra d’abord tout entier à un travail
assidu sur l’anatomie comparée, et orna en même tems son esprit de
( 0 Son fils Adrien-Gilles Camper, résidant à K le in-Lan kum en F r is e , héritier du cabinet d’b k-
toire naturelle, des manuscrits, des dessins et des gravures de son père, s’occupe, dit-on, de la publication
de ses ouvrages; et il est d’autant plus digne de remplir cette tâche honorable qu’i l est
lui-même très-instruit en histoire naturelle.
ii;
la lecture des meilleurs livres ; aussi les premiers mémoires qui le firent
connoître, lui valurent des applaudisseniens mérités, tant pour le fond des
choses que pour la méthode et la clarté qui régnent dans ses écrits. Il eût
fait faire un grand pas à la science, s i , séduit malheureusement par les
louanges qu’on lui prodiguoit, et contre lesquelles on ne sauroît trop se
tenir en garde, il n’eut eu l’ambition d’aspirer à une des premières places
de la médecine, et à tenir en même tems à toutes les académies et sociétés
littéraires de l’Europe, et s’il n’eut perdu son tems à des objets étrangers à
ceux pour lesquels la nature sembloit l’avoir formé; ce fut ainsi qu’à force
de vouloir s’attacher à tout, ce savant ne put se fixer sérieusement à rien.
Trop en évidence dans le moment où le mérite étoit un crime, il mourut
dans la force de l’âge, à la suite des inquiétudes et des persécutions que
lui occasionnèrent ses féroces dénonciateurs, qui alioient le conduire à
i’cchafaud si la mort n’avoit terminé sa pénible existence. •
Brugman, professeur d’histoire naturelle à l’université de Leyde, élève
de Pierre Camper, et dans ce moment son émule, nous dédommagera des
pertes que l’anatomie comparée a essuyé, soit en Hollande, soit en France,
soit en Angleterre, par la mort de Elunter et de Scheldon.
Brugman joint an -Ins rare mérite la plus grande modestie, signe ca-
ractéristiqtie du vrai talent ; il travaille avec le même zèle, avec la même
application, avec la même constance que Camper, et d’après ses principes:
comme lu i, il ne sc presse peut-être pas assez de publier les fruits de ses
travaux et de ses profondes méditations ; mais il est assuré par-là de ne pas
obtenir une de ces réputations usurpées qui ne durent que quelque tems : il
a d’ailleurs des titres qui le placent parmi les savans les plus distingués.
Pinel et Cuvier suivent à Paris la même carrière.
Une autre difficulté, peut-être plus grande encore que la première et
qui a retardé l’avancement de la géologie, est la connoissance exacte et positive
de ces nombreuses familles de coquilles, multipliées, pour ainsi
dire, à l’infini dans les mers de la zone torride, comme dans celles du nord.
Ces belles et riches productions de la mer, dont le nombre s’est encore
considérablement accru pour nous, depuis que l’homme a osé faire plusieurs
fois le tour du monde, deviennent un objet d’étude indispensable-
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