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sept figures, gravées avec élégance et vérité, par deux de ses filles, Susanne
et Anne Lister, circonstance remarquable qui répand nn double intérêt
sur ce bel ouvrage, imprimé in-folio à Londres en i685 jusqu’en 1688,
par parties séparées, et qui est devenu très-rare.
Cet heureux début excita l’émulation des autres naturalistes, et bientôt
l’on vit paroître des coquilles figurées dans les ouvrages de Bonnani, de
Rumphius , etc. ; mais ces derniers recueils ne sont, à proprement parler,
que de simples collections, qui ne font qu’éioigner de la véritable méthode,
parce que les vrais caractères n’y ont jamais été bien reconnus.
Il n’en fut certainement pas de même des méthodes systématiques de
Langius ( 1 ) , de Breyne (2 ), de Tournefort (3) , de Dargenville(4), de
Klein (5) , d’Adanson(6) : l’on vit que ces naturalistes habiles faisoient
des efforts pour atteindre le vrai but.
Linné arriva, et cet homme extraordinaire, né avec un génie hardi et
méthodique, ayant reconnu d’un coup - d’oeil les erreurs et les vérités de
ceux qui l’avoient précédé, se fraya Jui-même une route nouvelle.
Les mots génériques lui manquoient, il les créa; mais il les accompagna
toujours de définitions claires et concises. Ses noms spécifiques furent appropriés
à chaque coquille, et le caractère fut en général bien saisi; il le
tira de la coquille ; il annonça cependant à la tête de ses genres ce qui
( 1 ) Caroli - N ico lai L a n g ii, Melhodus nova e t fa c i lis testacea marina ple ra qu e quoeftuc u sque
nota su n t, etc. Lucernae l y z i , in-4°.
(2) Joanni-Philippi B r e y n ii, DissertatiopTiysica dep o ly th a lam ii, etc. G e d a n i, i-pp., in-4°.
(3) Cette méthode, publiée après la mort de cet homme célèbre, est imprimée dans G u altie r i,
d’après un manuscrit qui lui fut communiqué par T argioui.
(4) L ’ histoire naturelle éclaircie dans d eu x d e ses parties p r incipales, la lithologie e t la conchyliologie.
Paris iy42..
( 5) Jacobi - Theodori K le in , Tentamen methodi ostracologicae , sive dispositio naturalis cochll-
dum et conchanim, in suas classes, genera e t sp ec ies , etc. Lugdini Batavorum
(6) Voyage au Sénégal.
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pouvoit être relatif à l’animal, quoiqu’il ne put en connoître qu’un petit
nombre ; mais, ainsi que l’a très-bien dit Bruguières, « le caractère de ces
« animaux est plutôt soupçonné que démontré , et quoique la méthode de
K cet homme étonnant soit préférable à celle de ses prédécesseurs, il n’a
« regardé son propre travail que comme une simple ébauche de celui qu’il
cc se proposoit d’exécuter dans la suite ou dont il recommandoit l’exécution
« à ses successeurs, ou bien comme une lacune que le plan du système gé-
« néral de la nature, dont il avoit conçu la magnifique idée, le forçoit
« provisoirement de remplir. »
Cependant, malgré cette marche, qui paroît être la véritable, le trop
petit nombre d’individus que Linné avoit été à portée de voir, a été cause
qu’il a compris quelquefois au nombre des espèces, de simples variétés ;
d’un autre côté, il a souvent confondu dans les mêmes synonymies des
espèces différentes , et il a été plus d’une fois induit en erreur sur l’habitation
des coquilles, objet bien important à connoître par ses rapports
avec l’étude des celles qu’on trouve fossiles. D’ailleurs, l’ouvrage manque
de figures et de descriptions, et il est impossible de s’en passer dans nne
étude de cette nature; mais cette méthode n’cn est pas moins un chef-
d’oeuvre , quant à la conception.
En 1789, Bruguières, ce célèbre naturaliste qui avoit voyagé autour du
monde avec Kerguelin, et qui réunissoit à des connoissances générales sur
l’histoire naturelle une sorte de passion pour l’étude des coquilles, dont il
avoit fait sa principale occupation, publia, dans '^Encyclopédie, par ordre
de matières, sa belle distribution méthodique des vers, dans laquelle
il développa, à l’article des -vers testacées, la marche savante qu’il avoit
adoptée.
Ce naturaliste estimable avoit de grands avantages pour réussir dans
ses travaux, ayant beaucoup voyagé , beaucoup v u , beaucoup comparé ;
tout ce qu’il a recueilli est soigneusement décrit, le lieu de l’habitation
bien désigné; il pouvoit en outre consulter les plus riches collections de
coquilles des cabinets de Paris, ainsi que les meilleurs livres en ce genre.
Bruguières avoit donc tout ce qu’il falloit pour faire un ouvrage classique
et marquant dans l’histoire naturelle des coquilles.