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des acquisitions nouvelles, que par les découvertes des voyageurs, depuis
le départ de Bruguières; de manière qu’on trouvera dans la conchyliologie
de Lamarck peut-être plus du double de genres que dans celle de VEn-
cyclopédie : cela n’est pas étonnant si l’on considère encore que ce savant
a été à portée de consulter les collections de coquilles qui sont arrivées
au Muséum national d’histoire naturelle depuis quelques années, et qui
renferment tout ce que les Indes orientales ont de plus rare et de plus
Nous devons donc attendre des grandes connoissances de Lamarck, qui
s’est plu d’avance à honorer en public le savoir et la mémoire de son il- .
lustre ami, un ouvrage didactique parfait sur les coquilles; ce qui dispensera
les naturalistes de recourir à chaque instant à un grand nombre de
livres, difficiles à trouver et d’ailleurs fort chers, lorsqu’ils sont embarrassés
pour déterminer des genres ou des espèces peu connues. Ainsi, sous
ce point de vue seul, la science aura de grandes obligations à un savant
distingué, qui a déjà tant fait pour l’avancement des connoissances naturelles.
Il étoit indispensable d’entrer ici dans tous ces détails ; le lecteur voudra
bien en excuser la longueur en faveur des motifs qui nous ont déterminé
à les développer : il s’agissoit de faire voir qu’une des causes
principales qui a nui jusqu’à présent à l’avancement de l’histoire naturelle
des fossiles, et par suite à la géologie, est l’incertitude qui a toujours
régné dans la connoissance des coquilles, par la privation d’un bon
ouvrage méthodique sur cette matière.
Il est une autre circonstance qui a singulièrement contrarié l’avancement
de l’histoire naturelle philosophique, c’est-à-dire, de l’étude de la
nature considérée dans ses rapports avec cette suite d’événemens qui ont
eu lieu sur notre globe à des époques qui se perdent dans la nuit des tems.
Cette circonstance tient à ce que les grands faits, à ce que les points de
reconnoissance propres à déterminer ces époques mémorables, ne nous ont
été transmis que d’une manière trop isolée, trop circonscrite, trop partielle
par ceux qui s’en sont occupés ; de sorte que tant de matériaux épars et
sans liaison n’ont jamais pu être employés avec assez de solidité, par la
main même la plus habile, pour en construire un édifice durable.
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Nous sommes bien éloignés d’improuver par-là ce qu’ont fait des savans
d’une réputation grande et justement méritée en portant un regard hardi
sur cette belle et sublime partie de l’histoire naturelle ; mais c’est moins ici
la faute des hommes que celle des tems.
Un grand nombre de naturalistes instruits et laborieux nous ont laissé
beaucoup d’ouvrages sur une multitude de corps marins fossiles, dans la
classe des coquilles ou des madrépores, sur lesquels ils ont fait de pénibles
recherches ; mais l’on est malgré cela souvent incertain sur les genres et
les espèces qu’ils se sont efforcés de décrire, parce que les bons ouvrages
méthodiques sur la connoissance des coquilles et autres productions de la
mer manquoient alors.
Mais en rendant toute justice aux savans qui nous ont précédé , et dont
les lumières ont éclairé nos pas, nous devons espérer que bientôt l’on fera
mieux : telle est d’ailleurs la marche progressive de l’esprit humain, que
ceux qui viendront après nous feront beaucoup mieux encore ; il faut le
désirer sans doute; car il n’y a que la médiocrité ou la petitesse de l’égoïsme
qui veuillent tout s’approprier.
Ainsi donc en faisant des efforts pmir déterminer d’une manière stable
cette multitude de corps étrangers, qui ont vécu autrefois dans la mer
ou sur la terre, et dont les innombrables restes semblent avoir formé une
partie des matériaux solides du globe ; cherchons encore à étendre les bornes
de la science, en nous appliquant à bien connoître les lieux divers, ou
tant de causes qui ont dérangé si souvent l’ordre actuel des choses, ont accumulé
le plus de fossiles de tous les genres et de toutes les espèces : c’est
en examinant comparativement ces corps avec les analogues qui vivent encore
dans telles ou telles mers plus ou moins lointaines, que nous pourrons
en tirer des inductions d’où jaillira peut-être un jour la lumière qui
nous est nécessaire pour dissiper les ténèbres qui dérobent depuis si long-
tems la vérité à nos recherches les plus constantes.
Ainsi nous savons, par exemple, que la montagne de Courtagnon, située
à quelque distance de la ville de Rheinis, n’est absolument qu’un
immense amas de coquilles fosilles, dont quelques-unes conservent encore
le brillant de leur nacre; ces productions des mers étrangères sont si nom-
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