
distincts, joints les uns aux autres par des espèces de sutures dentelées
semblables à celles des os du crâne de l’homme. Ces écussons du milieu
sont liés eux - mêmes par des sutures latérales semblables, à deux rangs
d’autres pièces, qui se prolongent dans toute la longueur du bouclier de
cette tortue.
En portant au nombre de onze les écussons du centre, on y comprend
la partie supérieure voisine de la place où devoit être la tête de l’animal et
l’inférieure, c’est-à-dire, celle qui étoit la plus rapprochée de la queue. Ces
deux parties qui diffèrent des autres par leur forme, annoncent que cette
grande écaille de tortue est entière, et nous mettent en même tems sur
la voie de reconnoître que les tortues d’espèces semblables trouvées dans la
montagne de Saint-Pierre , doivent être composées , pour être complettes,
de neuf écussons, joints les uns aux autres sur la ligne du centre, sans y
comprendre la partie supérieure, ni celle de l’extrémité ; ce qui forme en
tout onze pièces sur cette même ligne.
Cette partie supérieure est disposée en manière de hausse-col avec un
prolongement de chaque côté de l’échancrure, ou pour m’énoncer plus clairement,
cette partie ressemble assez au haut d’une cuirasse militaire qui seroit
munie d’avant-bras, et annonce que les pattes de devant, ou plutôt
les nageoires de ces tortues marines, étoient recouvertes en partie d’écail-
les adhérentes au bouclier : ce qui constitue incontestablement un caractère
tranchant, bien propre à former un genre particulier qui convient à
toutes les tortues dont les bras seront ainsi armés d’une cuirasse : il est vrai
que jusqu’à ce jour aucune des tortues vivantes que nous connoissons ne
nous a offert encore ce caractère ; mais qu’importe, le fait n’en est pas
moins certain, et si ce genre n’est pas perdu, ii existe peut-être dans des
mers peu fréquentées , telles que celles qui bordent les côtes immenses de
la Nouvelle-Hollande, ou d’autres plages que l’on n’a pas encore visitées ,
ou qui n’ont été parcourues que rapidement.
Trois autres tortues du même genre existent dans le Muséum d’histoire
naturelle de Paris; elles viennent du cabinet de Roux à Maestricht, qui les
avoit eu de la succession d’Hoffmann. Si l’on joint celles - ci aux deux du
cabinet de Camper, et à celle du chanoine de Preston, l’on aura six tortues
tirées de la montagne de Saint-Pierre. Il est très-probable sans doute qu’il
en a été trouvé un plus grand nombre à des époques anciennes, c’est-à-dire,
avant que le goût de l’instruction fit recueillir ces sortes d’objets, et il est
bon d’observer que l’on ne compte pas ici ce grand nombre de vertèbres et
autres ossemens de tortues conservés dans les Muséums de Paris, de Londres
, de Harlem, et dans les cabinets de Camper, de Hunter, etc., qui
ont été recueillis dans les mêmes carrières, parce que l’on n’a eu l’intention
de ne faire connoître ici que ce qui étoit bien précis et bien positif.
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Quelques naturalistes avoient nié mal à propos l’existence des tortues
fossiles, les faits que nous venons de rapporter au sujet de celles trouvées
dans les carrières de la montagne de Saint-Pierre de Maestricht, sont propres
sans contredit à lever tous les doutes à ce sujet, puisque chacun peut
avoir la facilité d’examiner celles qui sont déposées au Muséum national
d’histoire naturelle, et qui adhèrent encore d’un côté au grès calcaire et
sabloneux dans lequel elles ont été découvertes; mais comme il est question
d’un objet très-intéressant pour la géologie, le lecteur ne sera pas fâché
peut-être de voir le rapprochement de quelques faits qui doivent naturellement
trouver leur place ici, puisqu’ils nous apprennent que la montagne
de Saint-Pierre n’est pas le seul endroit où l’on ait reconnu de véritables
tortues fossiles, ensevelies dans la terre ou dans le sein des montagnes par
l ’effet de quelqu’antique et grande révolution.
Paul Boccone nous apprend, dans son livre qui a pour titre Muséum
de physique et d’ expérience, qu’on a trouvé à Malthe une écaille de tortue
pétrifiée (1).
Gesner fait mention, dans son Traité des pétrifications, de la partie
du dessus ou bouclier d’une tortue aquatique trouvée dans une carrière de
grès des environs de la ville de Berlin (2).
Le même auteur parle aussi d’une tortue pétrifiée trouvée dans une ardoise
de Glaris qui étoit dans le cabinet de M. Zoller (3). Cette dernière
tortue a été publiée avec figure par Knorr (4).
L ’on voit parmi les pétrifications de la galerie de Dresde le fragment
d’un bouclier de tortue de dix-sept pouces de longueur, cinq pouces de largeur
par le haut et quatre pouces par le bas ; elle fut trouvée en 1734-dans
les fossés de Leipsic, près de la porte de Halle (5).
Paul de Lamanon, ce naturaliste actif qui eût rendu de si grands services
à la science, s’il n’eut pas péri dans la malheureuse expédition de la
Peyrouse, est le premier q u i, dans nne très-bonne dissertation qui a pour
titre Mémoire sur ta nature et la position des ossemens trouvés à A ix
( 1 ) Pau!. B o c cone , Mus . d lfis ic a e t d ’ e xp e r ienza , page i8 i .
(2) Gesner, de P etrificatis, ¿«-8°., page 66.
(3) Ib id ., page 84.
(4) K iio rr , R e cu e il des monumens e t des catastrophes du g lo b e , tome I , planche X X X IV .
(.5) Tome I , page 294, des Gemeinnützige abhandlungen, de JeanTitius.
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