
, h i s t o i r e n a t u r e l l e
tat de dessication complette dans lequel il se trouvoit, annonçoit qu’il devoit
y avoir plus de soixante ans que cet infortuné étoit venu s’ensevelir
vivant dans ce vaste tombeau.
Il est probable que depuis lors, personne n’étoit entré dans cette galerie
: on venoit seulement depuis quelques jours de faire cette découverte.
L ’air sec qui règne dans ces carrières souterraines, l’absence de toute espèce
d’insecte dans ces lieux ténébreux, avoient permis à ce corps de se conserver,
en se desséchant à la manière de ceux qu’on voyoit autrefois dans
les caveaux des cordeliers à Toulouse. Mais quittons un sujet aussi triste et
passons à quelques détails d’histoire naturelle.
On distingue dans quelques-unes des galeries, à la hauteur de trois ou
quatre pieds, quelquefois un peu plus haut ou un peu plus bas, en raison
des masses de pierre qu’on a enlevées, des couches horisontales composées
de silex de diverses formes et grosseurs. Ces silex le plus souvent
branchus, irréguliers et comme contournés, paroissent devoir leur origine
première à des corps organisés de la classe des madrépores en général,
et quelquefois à des coquilles ; mais ces dernières n’offrent ordinairement
que des noyaux, et les madrépores, pénétrés par le suc siliceux, ont leurs
caractères presque entièrement effacés. Ces couches siliceuses n’ont guère
plus de six à sept pouces d’épaisseur, et se trouvent entre d’autres couches
ou lits d’une épaisseur à peu pi'ès semblable, entièrement composes de
débris de coquilles diverses , de madrépores brisés en petits éclats entièrement
calcaires ; mêlés avec des dents de squales, de requins et autres ani-
Ce qu’il y a de remarquable, c’est que ces couches très-régulières se trouvent
interposées au milieu de l’énorme massif contigu et homogène qui
constitue la montagne ; il a déjà été dit que l’ensemble de ce grand dépôt
de pierre tendre n’est qu’un composé confus et sans ordre de sable quartzeux
très-fin, mélangé de débris très-atténués de coquilles, de madrépores
et autres molécules calcaires qui forment sa pâte. Il sembleroit donc
que la cause qui accumuloit ainsi avec tant de confusion ces grands dépôts
sablonneux avoit des intervalles de calme qui permettoient au iluide
acqueux d’agir d’une manière plus tranquille et plus régulière; mais
comme les couches qui se formoient alors n’ont pas une grande épaisseur,
il est probable que ces espèces de périodes de repos ne devoient pas
être d’une très-longue durée; mais ce qui n’est pas moins étonnant encore,
c’est qu’au raibeu de ces grands dépôts sablonneux disposés en masse,
l’on trouve assez souvent des belemnites isolées, des coquilles fossiles de
la plus belle conservation, des vertèbres, des dents de poissons et d’amphibies
, des os et de grandes portions de carapaces de tortues, que nous
ferons plus particulièrement connoître en décrivant ces différens objets si
3 de l’attention des savans.
La température particulière qui règne dans les cavernes de Maestricht
fixa également mon attention. J’avois trois excellens thermomètres à mercure
, un placé à l’air extérieur à peu de distance de la grande entrée ;
j’avois les deux autres avec moi pour les comparer; j’en tenois un au bout
d’une canne pour l’éloigner de mon corps, l’élever et l’abaisser à volonté :
le second étoit porté de même par un des dessinateurs qui m’accompa-
gnoient.
Le tems étoit extrêmement froid; c’étoit le 28 janvier 1796 : le mercure
s’étoit abaissé pendant la nuit à 19*^^ au-dessous de o. A dix heures du matin,
au moment où nous entrâmes dans les cavernes, il étoit à 16^. Lorsque
nous eûmes parcouru un espace de trois cents pas de longueur dans les galeries
, nous fîmes une station de quinze minutes, pour donner aux thermomètres
le tems de prendre la température du lieu. Ils se trouvèrent élevés
alors à 6 ** au-dessus du terme de la glace, ce qui formoit une différence
de 22 ^ avec l’air extérieur. Il est à présumer que l’intensité excessive
du froid extérieur influoit un peu dans cette partie des galeries, soit qu’il
y eut accès par quelques petites fissures, soit autrement, puisque le mercure
ne s’élevoit pas ici au-dessus de 6 Une chose qui peut appuyer cette
conjecture, c’est qu’il s’éleva à 8 j lorsque nous nous trouvâmes à une plus
grande profondeur; il monta jusqu’à 9'* dans la galerie où nous apperçû-
mes l’homme mort ; mais comme cette galerie n’étoit percée que d’une seule
entrée, et que la curiosité y avoit réuni tout le monde; la chaleur des corps
environnans et celle des lumières pouvoit avoir élevé le mercure d’un
demi-degré; puisqu’il retomba à 8 *^ en sortant de là , et resta constamment
à ce point dans les autres galeries, quoiqu’elles fussent très-éloignées
de tout accès de l’air extérieur ( 1 ). Ainsi la température des cavernes de
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( 1 ) Le célèbre physicien V a n Sw in d eu , qui a visité les cavernes de Maestriclil en 1782 et 1792,
et y a fa it des observations thermométriques, a bien voulu me les communiquer. Je les ¡oins ic i avec
d’autant plus de plaisir qu’elles sont d’un savant très-habile, et qu’elles peuvent servir à éclaircir ce
sujet.
Sur la température des carrières de Maestricht.
L e 3 juillet 1782, j’a i fa it quelcpies observations sur la température des carrières de Maestricht. J ’a i
employé pour cet effet un thermomètre de Fahrenheit, composé de deux thermomètres très-sensibles,
l’un au mercure, l’autre à l'esprit de v in , appliqués à la même échelle ; leurs boules sont de la grosseur
d’un noyau de cérise.
Le thermomètre se teuoit à l’air libre à 58^. Je suis entré dans la carrière à 9 '“ 10 ', près de Sla-
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