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H I S T O I R E N A T U R E L L E
elle devient blanche. A la seconde mue , il a déjà autant de blanc que de
gris, et la queue est de même composée de quelques pennes absolument
blanches , d’autres d’un gris-brun , et quelques-unes enfin mêlées de ces
deux couleurs. Ce n’est donc qu’à la troisième année que ces oiseaux prennent
leur élégante livrée, telle qu’on la volt dans la planche enluminée,
qui représente la femelle.
On trouve le Vocifer sur les bords de la mer, et principalement à l’embouchure
des grandes rivières, sur la côte est et ouest d’Afrique, dans
toute la distance que j’ai parcourae de cette partie du monde. Je ne l’ai
jamais vu dans l’intérieur des terres, parce que, faisant sa principale nourriture
de poisson , il ne fréquente que les lieux jusqu’où remonte la marée;
car la plupart des rivières d’Afrique n’étant que des torrens ijui descendent
des montagnes, on sent bien que le poisson doit y être aussi rare qu’il est
abondant sur la côte et dans la partie des rivières qui avoisinent la mer.
Dans fintérieur des terres, j’ai seulement trouvé ces oiseaux le long du
cours de la rivière d’Orange, ou Grande-Rivière, parce qu’elle est poissonneuse
par-tout.
Le Vocifer, de même que l’orfraie et le ballni.sard, fond rapidement du
haut des airs sur le poisson qu’il apperçoit. J’ai eu souvent occasion de voir
cet aigle s’abattre avec bruit sur l’eau, y plonger même entièrement son
corps, et en sortir tenant un gros poisson dans ses serres. C’est sur des rochers
voisins ou sur des troncs d’arhres que les eaux ont déracinés, Charles
et amoncelés sur les bords des rivières, qu’il va dévorer sa proie et qu’il fait
rétablissement de sa pêcherie d’une manière fixe et stable; car U mange
habituellement sa pêche aux mêmes endroits, qu’il est facile de reconnoître
aux monceaux de têtes et d’arêtes de poisson que l’on y trouve. J’ai vu des
ossemens de gazelles parmi ces restes ; ce qui prouve qu’il chasse aussi ce
gibier. Il dédaigne apparemment de faire la guerre aux oiseaux ; car je
n’en ai jamais trouvé des débris dans ceux dont j’al parlé, mais bien ceux
d’une espèce de grand lézard très-commun dans plusieurs rivières d’Afrique.
J’ai pris le nom de Vocifer, de l’imbitudc qu’ont Ces aigles de jeter fréquemment
de grands cris , différemment accentués, et de se répondre entre
eux de fort loin, perchés sur les rochers qui bordent la mer , ou sur
quelque tronc d’arbre renversé sur le sable des rivières. On les voit, pendant
ces sortes de conversations bruyantes, faire de très - grands mouvemens
du cou et de la tête ; indice certain des efforts nécessaires à la production
des accens variés de leur voix. Ces cris les décèlent toujours ; mais
il est néanmoins fort difficile de les approcher d’assez près pour les tirer.
J’ai été obligé, pour parvenir à en tuer u n , de faire creuser une fosse,
recouverte d’une natte sur laquelle j’avois fait jeter de la terre : j’ai passe
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trois jours entiers dans cette embuscade à portée d’un tronc d’arbre sur
lequel un couple do ces oiseaux venoient d’ordinaire dévorer leur jjrole.
Ils n’y sont rovemis que quand la terre dont j’étols recouvert n’avoit plus
une couleur fraîche et dllïércntc de celle qui est hi'dce par l’ardeur du soleil.
A la fin du troisième jour, j’ai taé la femelle, qui encore, comme
on a pu le.Toir dans la relation de mes voyages, m’a presque conté la vie,
lorsque, pour l’aller clierchcr de l’autre côté du Quour-Boom où elle étoit
tombée, je m’avisai de traverser cette rivière pendant la hante marée et
manquai de m’y noyer. Sans la ruse dont je me suis servi, j’anrois probablement
quitté l’Afrique sans avoir pu jonfr-aù plaisir de posséder un aussi
bel oiseau. Le mâle en cherchant sa femelle, sc lit tuer près tlii camp en
dévorant les restes d’un buffle que j’avois fait jeter pour attirer les oiseaux
carnivores.
Le Vocifer est très-mofiant et fort aifficilc à approcher ; il part dès qn’il
apperçoit le chassenr, et même de très-loin. Il s’élève à une hauteur prodigieuse
; son vol a une gi'âce toute particulière : on entend fréquemment lo
male , pendant cette fonction , pousser des sons que l ’on peut rendre par
ca-hou-cou-cou. Ces syllabes étant prononcées lentement, la seconde chantée
quelques tons plus haut que la première et les deiix autres successivement
d un ton plus bas, on iraitej-a parfaitement le ramage de plaisir de
cet oiseau (i). 11 est à remarquer que c’est toujours en l’air que le Vocifer
lait entendre ce chant; non en planant, mais quand il accompagne son vol
d’un mouvement d’aîles remarquable et comme avec une sorte'fe complaisance,
en les ramenant pnr dcssonç son corp.;;, uu point de les faire toucher
presqu’cnsemble. Nous observerons dans ce niouvemcnt, qui accompagne
la VOIX pendant le vol, une analogie avec ce que nous avons dit de celui
qu’il lorme en criant lorsqu’il est perché, et qui montre , à ce que je crois,
la nécessité d’un surcroît d’effort dans cet oiseau, dont la voix est extraordinaire
et fort remarquable, en ce qu’elle est très-sonore, qu’on y trouve
une certaine harmonie qui plaît, et qui flatte l’oreille, sans avoir eniin le
désagréable ton perçant, aigre et plaintil de la plupart des oiseaux de jiroic.
Le mâle et la femelle ne sc quittent point, et partagent de la meilleure
intelligence ce que l’un ou l’autre a péché ou pris à la chasse. Us construisent
leur aire sur le sommet des arbres ou sur les rochers; il est absolument
fait comme celui du grifiard, à l’exception qu’il est garni intérieurement de
niatièrcs douillctcs, telles que plumes, laine , etc. ; sur Icsiptelles sont déposés
deux ou trois oeufs entièrement blancs et de la forme de celui d’une
dinde , mais plus gros.
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Ca-liüu-cou c
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