H I S T O I R E N A T U R E L L E
au contraire, il semble aimer la paix ; car s’il y a quelque bataille parmi
les animaux de la basse - cour, on le voit aussitôt accourir pour séparer les
combattans. Beaucoup de personnes, au Cap de Bonne-Espérance, eUvent
de ces oiseaux dans leurs basse-cours ; autant pour y maintenir la pais que
pour détruire les lésards, les serpens et les rats, qui souvent s’y introduisent
pour dévorer la volaille et les oeufs.
Le Mangeur de serpens se trouve dans toutes les plaines arides des environs
du Cap, et notamment dans le Swart-Land. Je l’ai vu très-fréquemment
sur toute la côte de l’est, même jusque chez les Caffres, et
dans l’intérieur des terres ; mais à la côte de l’ouest, et sur-tout vers le
pays des Namaquois, je ne l’ai pas, à beaucoup près, rencontré autant.
Plusieurs naturalistes ont parlé de ce destructeur de serpens, et l’ont décrit;
mais peu l’ont, à ce qu’il paroît, hien examiné. Buffon lui donne la
dimension d’une grande grue ; il s’en faut pourtant de beaucoup qu’il ait
la hauteur des grandes espèces de ce genre; il est même inférieur de taille
à notre grue européenne, et n’a enfin tout au plus que trois pieds deux à
trois pouces de hauteur. Quand à ses longs pieds, que l’auteur compare à
ceux des oiseaux de rivage, il n’est pas le seul oiseau de proie dont le tarse
soit aussi long, car les éperviers, proportionnellement à leur taille, font
au moins de la même longueur; et il est absolument faux que la jambe de
cnt oioonn onît dégarnie de plumes un peu au-dessus 0” çij. lout
au contraire , les plumes des jamuca ucscendent un peu sur le devant du
tarse. Au reste, cet oiseau est si mal figuré dans les planches enluminées de
Buffon, N°. 72 1 , qu’il est impossible de le reconnoître dans ce portrait
peu fidèle, tant pour ses couleurs que pour sa forme totale. La peau nue
qui entoure son oeil et la base du bec, n’est pas rouge, comme dans la
figure que nous avons citée, mais d’un jaune, plus ou moins orangé ; il n’a
pas non plus le cou de cigogne qu’on lui prête, e t encore moins un bec de
gallinacée; et ce n’est pas un vautour, comme le prétend Forster. Il n’a pas
enfin la queue fourchue que lui donne Sonnerat, qui en a publié une
figure vraiment grotesque dans son Voyage à la nouvelle Gui/iee, planche
5o; on n’a pas oublié dans ce portrait, le caractère du has de la jambe
dégarni de plumes.
(1) Buiibn nomme encore ici genou , la partie que , dans cent autres endroits, il désigne comme
le talon ; et c'est très-certainement du talon dont il a voulu parler ; car jamais on n’apperçoit le
genou des oiseaux, qui se trouve toujours caché par les plumes des flancs. D'ailleurs, le secrétaire
ou Mangeur de serpens n’a la jambe dégarnie de plumes ni en haut ni en bas ; et la preuve
la plus convaincante que c’est du talon dont Buffon a voulu parler dans cette occasion, c ’est qU’il
reproche à son dessinateur de n’avoir point saisi les caractères qu’il donne à son secrétaire, et dont
celui de la jambe dégarnie de plumes làit partie. Voyez dans Buffon la description du secrétaire
, tome XIV, page 3o de l ’édition in-12.
Kolbe
D U M A N G E U R DE SE R PEN S . 73
Kolbe a confondu cet oiseau avec le pélican ; le nom de slang-vreeter
( mangeur de serpens ) , qu’il applique au pélican, est le nom que porte
au Cap, dans toute la colojiie et chez les Flottentots, l’oiseau dont nous
parlons. Les Hollandois font nommé ensuite secretaris ( secrétaire ) , par
comparaison avec leurs écrivains do bureau, qui généralement ont l’habitude
de ficher leurs plumes dans leur perruque derrière l’oreille, et dont
celles de la huppe de cet oiseau rappellent l’idée. Vosmaer l’a nommé sa-
gitaire, et d’autres enfin messager, par rapport à la vitesse de sa course.
Quant à moi, je lui conserverai son véritable nom, qui lui convient
mieux; car enfin cc n’est pas un secrétaire, ni un sagitairc, et encore
moins un messager; mais c’est un mangeur de serpens.
Cet oiseau est caractérisé, par un hcc crochu et fort comme celui des
aigles;parun long tarse; par une touffe de plumes inégales, qui lui forme,
sur le derrière du cou, une espèce de crinière pendante , qu’il peut hérisser
à volonté; et enfin par une queue très-étagéc, dont les deux plumes du
milieu sont du double plus longues que les deux suivantes, et traînent à
terre pour peu que l’oiseau les tienne obliquement. L ’oeil est d’une couleur
grisâtre ; il est très-ouvert et garni d’un sourcil de cils noirs. La boucho
est grande et fendue jusque passé les yeux ; la gorge , fort ample, est susceptible
d’une très-grande extension, ainsi que la peau du cou. Le jabot est
d’une ampleur considérable, et contient une quantité prodigieuse de nourriture.
Le plumage cIti Mnngenr de serpen.s loiav^u’ll csa parvenu dans
son état parfait, est, sur la tête, le cou , la poitrine et généralement tout
ic manteau, d’une couleur gris bleuâtre, nuée plus ou moins d’une légère
teinte de brun-roux sur les couvertures des aîles ; les grandes pennes sont
noires. La gorge, ainsi que les plumes qui couvrent le sternum, sont blanches,
et celles du dessous de la queue sont d’un blanc sali de roussâtre; le
bas-ventre est noir, mêlé et comme rayé de roux ou de blanc; les jambes,
enfin, sont couvertes de plumes d’uu beau noir, rayé imperceptiblement
de brun; vers le talon, cette rayure prend un ton plus blanchâtre. La
base du bcc et la peau nue des yeux sont d’une couleur jaune , plus orangée
au-dessus de l’oeil. Le bcc est couleur de corne noirâtre, ainsi que
les ongles, qui sont courts et émoussés. Les doigts , très-épais , sont, ainsi
que le tarse, couverts de larges écailles d’un brun jaunâtre. La queue est,
comme je l’ai dit, très-étagée; les pennes qui la composent sont, en partie
, noires, et prennent toujours plus de gris à mesure qu’elles s’alongent;
elles sont de plus toutes terminées de blanc : les deux du milieu, qui dépassent
de beaucoup toutes les autres, sont entièrement d’un gris-bleu,
nuées de brun vers le bout, où elles portent une tache noire et sont aussi
terminées de blanc; mais il arrive quelquefois que ce bout blanc disparoît
Tome L T
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