l i
DU M A N G E U R DE SERPENS. 69
reitérés. La nature a suppléé, dans cette espèce, au défaut de serres, si
utiles aux autres oiseaux de rapine; elle a muni ses aîles de proéminences
osseuses, qui, quoiqu’émoussées et arrondies, sont propres à cet usage.
Armé de la aorte , il ose attaquer un ennemi aussi redoutable que le serpent
; fuit-il, l’oiseau le poursuit ; on diroit qu’il vole en rasant la terre ;
il ne développe cependant point ses aîles, pour s’aider dans sa course,
comme on l’a dit de l’autruche ; il les réserve pour le combat, et elles deviennent
alors ses armes offensives et défensives. Le reptile surjrris, s’il
est loin de son trou, s’arrête, se redresse et cherche à intimider l’oiseau,
par le gonflement extraordinaire de sa tête et par son sifflement aigu.
C’est dans cet instant que l’oiseau de proie, développant l’une de ses aîles,
la ramène devant lui, et en couvre, comme d’une égide, ses jambes, ainsi
que la partie inférieure de son corps. Le serpent attaqué, s’élance ; l’oiseau
bondit, frappe , recule, se jette en arrière, saute en tous sens, d’une manière
vraiment comique pour le spectateur, et revient au combat en présentant
toujours à la dent venimeuse do son adversaire, le bout de son
aile défensive; et pendant que celui-ci épuise, sans succès, son venin à
mordre ses pennes insensibles, il lui détache, avec l’autre aîte, des coups
vigoureux, dont l’énergie est puissamment augmentée par les proéminences
et les duretés dont j’ai parlé plus haut. Enfin, le reptile étourdi d’un
coup d’aîle, chancèle, roule dans ia poussière, où il est saisi avec adresse,
et l’o,r i.niusieurs reprises, jusqu’au mAiMfinL nù . énnisé et sans
force, l’oiseau lui brise le crane a coups de bec, et l’avale tout entier, à
moins qu’il ne soit trop gros; dans ce cas, il le dépèce en l’assujettissant
sous ses doigts. Des piquans aigus, comme ceux du jacana ou du camichi,
seroient- sans effet sur la peau lisse et le corps arrondi des serpens; des
noeuds durs sont bien plus utiles à l’oiseau dont nous parlons ; leurs coups
réitérés, donnés avec force, étourdissent le reptile, et lui cassent souvent
l’épine vertébrale du premier coup qu’il reçoit.
Le Mangeur de serpens se nourrit également de lésards, moins dangereux
à combattre; il ajoute à cette nourriture tout ce qu’il peut trouver de
petites tortues, qu’il avale toutes entières, après leur avoir, ainsi qu’aux
serpens et aux lésards , brisé ie crâne. Il fait aussi un grand dégât d’insectes
et de sauterelles.
Dans l’état de domesticité, cet oiseau se nourrit de toute espèce de viandes,^
crues ou cuites, et mange des poissons. Je l’ai vu mainte fois avaler
des jeunes poulets et des petits oiseaux entiers, avec toutes leurs plumes;
mais j’ai remarqué que toujours il avoit soin de les faire entrer dans son
bcc la tete la première. Je ne crois pas que , dans l’état de nature, il attaque
les oiseaux; du moins je n’en ai jamais vu d’exemple.
Tome I . <5