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H I S T O I R E
aucun danger. Sa résolution excita mon
orgueil et mon émulation à tel point que
je me décidai à suivre son premier conseil,
et à tuer moi-même le serpent. J'exigeai
cependant du nègre qu'il me montrât l'animal
et qu'il demeurât à mon côté. Il consentit
de bon coeur à tout,
» Je chargeai alors mon fusil à cartouche,
et nous avançâmes. David traçoit le chemin
en coupant les broussailles, et nous étions
suivis d'un soldat de marine qui portoit trois
fiisils chargés pour servir au besoin.
» A peine avions-nous fait cinquante pas
dans la vase et dans Feau, que le nègre, qui
observoit tout avec beaucoup de vivacité
et avec la plus scrupuleuse attention, s'arrêta
derrière moi et me dit : mo/ voir le
serpenti En effet c'étoit cet animal couché
sous des feuilJes, et si bien couvert que je
fus quelque tems avant de pouvoir distinguer
sa tête éloignée de moi de plus de seize
pieds; sa langue fourchue se remuoit dans
sa bouche,- et ses yeux, d'un éclat extraordinaire,
sembloient lancer des étincelles de
feu. J'appuyai alors mon fusil sur une
branche, pour viser sûrement, et je tirai :
mais ayant manqué la tête, la balle s'enfonça
dans le corps. L'animal , se sentant
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blessé, s'agita en tous sens avec une vigueur
étonnante, et telle qu'il coupa les broussailles
dont il étoit entouré avec la facilité d'un
homme qui fauche un pré. Il enfonçoit sa
queue avec violence dans l'eau , et nous
couvroit par ce moyen d'un déluge de vase
qui voloit à une grande distance cependant
il ne lit pas sur nous l'effet de la torpille,
et nous ne restâmes pas immobiles témoins
de ce spectacle : nous prîmes la fuite à
toutes jambes, et nous entrâmes précipitamment
dans le canot.
» Revenus à nous, le nègre me pria de
recommencer l'attaque : il me garantit que
dans quelques minutes le serpent seroit
tranquille, et qu'il n'avoit ni le pouvoir,
ni l'intention de nous poursuivre. David,
pour confirmer ce qu'il disoit, marcha de-
- vant moi jusqu'à ce que je fusse prêt à tirer.
Je renouvelai donc l'épreuve, sur-tout
d'après l'assurance de l'esclave qu'il n'avoit
d'abord reculé lui-même que pour me faire
place. Cette seconde fois je trouvai le serpent
un peu dérangé de sa première position,
mais fort paisible, et la tête cachée
comme auparavant sous des feuilles, sous
de l'écorce d'arbre pourrie et sous de la
vieille mousse. A l'instant je fis feu, et avec
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