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104 OBSERVATIONS
qu'ils ne tuent jamais de crotales ni d'autres
serpens, parce que, disent-ils, s'ils en tuoient
indiens venoient me clierclier. Je me levai précipitamment
pour me dérober à leurs importunités ,
lorsque trois d'entre eux , jeunes et ricîiement parés^
entrèrent. Ils m'invitèrent d'un air aisé , noble et
amical , à les accompagner jusqu'à leur camp pour
les débarrasser d'un grand serpent à sonnettes qui
s'en étoit emparé. Personne, disoient-ils, n'avoit îe
coura?,e de le chasser ; et comme ils savoient que j®
rechercbois tous les animaux et les productions natmxelles
de leur pays, ils desiroient que je vinsse avec
eux pour prendre celui - ci , qui sans doute me recevroit
avec bonté. Ne pouvant résister à leurs vives
instances , je consentis à les suivre à leur camp , où je
trouvai en ejQfet les indiens très-troublés. Les bommei?
étoient armés de bâtons et de casse-têtes , les femmes
e t les enfans, tremblans de peur, étoient groupés
dans un coin , tandis que le redoutable et révéré
serpent parcouroit en paix tout le camp, visitoit l'un
après l'autre tous les endroits où il y avoit en des
f e u x , ramassoit les parcelles d'alimens tombées par
t e r r e , et léchoit les ustensiles. Les hommes se pressèrent
autour de moi , et me prioient d'éloigner Fanimal.
Armé d'une baguette flexible, j'approchai de lui;
à l'instant il se roula en une haute spirale , et se tintprêt
à se défendre. Je le frappai aussitôt à la tète, et
l e coup l'étendit mourant à mes pieds; je lui coupai
ensuite la tête, puis je me retournai vers les indiens^
qui me félicitèrent et me comblèrent de caresses eS
SUR LES SERPENS. io5
un, son esprit exciteroit ses parens ou alliés
vivans à venger le mal qui lui auroit
été fait.
d'amitié J'étois depuis peu rentré dans mon
logis, lorsque je fus de nouveau troublé par l'arrivée
imprévue de trois indiens qui venoient pour m'égrat
i g n e r , parce que j'avois tué le serpent à sonnettes
réfugié dans leur camp. Ces indiens se tenoient par ie
bras et entrèrent en chantant dans ma chambre. Je vis
que l'un des trois étoit un jeune prince de mes amis ,
qui m'avoit promis de risquer sa vie pour défendre la
mienne si l'occasion se présentoit. Les deux autres
paroissoient animés et méconlens ; ils firent voir les
inslrumens avec lesquels ils prétendoient me taillader;
déjà ils tenoient mon bras, et je résistois , lorsque
mon ami le jeune prince s'avança , les repoussa , leur
dit que j'étois un brave guerrier qu'ils ne devoient pas
provoquer : à l'instant ils changèrent de conduite,
tous ensemble poussèrent un cri, me serrèrent la
main , me frappèrent sur l'épaule, mirent leur main
sur leur sein en signe d'amitié sincère, et direnl en
riant que j'étois un véritable ami des séminoles , puis
ils s'en allèrent. Toute cette scène, à ce qu'il me
parut , étoit une farce jouée pour satisfaire leur
peuple et pour appaiser les mânes du serpent à sonnettes
». (W. Bartram , Voyage en Floride , in-S*',
tom. I , pag. 446 et suiv.)
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