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Le i 5 (27 ) juillet , on laissa tomber laiicre à un mille de la
côte occidentale de Pile Saint-Laurent. Bientôt un bateau, monté
par huit insulaires, s’avança vers nous; ils nous offrirent de la
manière la plus amicale des phoques qu’ils avaient tués, et de
la chair de baleine; ds nous accompagnèrent lorsque nous
allâmes cà terre oii nous trouvâmes plusieurs cabanes couvertes
en cinr. Les habitants nous accueillirent très-affecliien-
semenl, et nous présenti-rent de l’eau fraîche avec de la glace,
et sur une planche des morceaux de chair de baleine coupés
très-menus. Ils nous donnèrent volontiers leurs vêtements fiiits
d’mtestins de morse et de peaux d’oiseaux, et quelques peaux
de renards rouges, et prirent en échange ce que nous leur présentâmes;
ils se défirent aussi sans crainte des lances dont ils se
servent pour la pèche des morses. Leurs cabanes empestaient
par la quantité de chair de baleine, d’intestins séchés et nettoyés
et de peaux d’oiseaux. Ils nous régalèrent de chansons
qu’ils accompagnèrent d’nn tambourin. La mélodie était la
même que celle des iles Aléoutiennes, et du p,ays des Tchonktchis.
Ces insulaires ont creusé sur les coteaux un grand nombre
de trous pour conserver la chair de baleine. Le terrain est pierreux
et nu ; il n’est couvert que de mousse et d’une quantité
innombrable de jolies fleurs.
Le rivage était parsemé de crânes de morses. Nous achetâmes
des habitants les dents qui les garnissaient, et plusieurs chiens
qui pendant l’hiver tirent les traîneaux. Ces bonnes gens étaient
d’une malpropreté extrême, et exhalaient une odeur d’huile de
baleine vraiment insupportable. Ils nommaient cette partie de leur
lie Tchibokakgh, le continent d’A s ie , Voumen, et celui d’Amérique,
ou plutôt la partie orientale de l’ile Kilalilakgh.
Le 16 dans la matinée plusieurs insulaires nous accostèrent
dans leurs canots; ils demandaient en échange de leurs vêtements
du tabac qu’ils nommaient tabakokgli.
d’outes les lois que les bateaux .s’approcliaienl du navire, un
insulaire jetait un cri et se levait; aussitôt tontes les embarcations
cessaient de ramer, et il adre.ssait mi discours an bâtiment.
Une fois l’oratenr tenait dans les mains un petit chien noir, et,
après avoir parlé pendant quelque temps, il tua le chien, le montra
au vaisseau, le jeta dans la mer, puis fit le signal aux bateaux de
s’approclier. Plusieurs insulaires montèrent à bord; ils nous saluèrent
en se passant la main sur le ventre comme s’ils eussent voulu
nous dire: «C’est bien bon»; ensuite ils frotti-rent leur nez contre le
nôtre; enfin, pour comble de politesse, qnelques-ims se crachèrent
dans les mains, et se les promenèrent sur le visage, puis voulurent
nous faire la même cérémonie; c’était la pins grande marque d’amitié
qu’ils pouvaient nous donner. Ils nous vendirent beaucoup
d’oiseaux de mer tués récemment, et des filets; mais ils n’avaient
pas de poissons.
Nous mimes à la voile; le vent étant très-faible, nous ne
pûmes pas faire beaucoup de chemin, ce qui donna la facilité aux
habitants de la partie du nord-ouest de l’île de nous joindre. Il
paraît que c’est là que se trouve la plus forte population et les
cabanes pour l’hiver; car sur la côte de l’ouest nous n’avions vu
que celles d’été.
Plusieurs hommes avaient le visage tatoué ; d’antres avaient
passé des morceaux d’os en guise de parure dans des trous percés
à côté de la lèvre Inférienre. Cet ornement est commun dans ie
golfe de Kotzebne, excepté que ce morceau d’os est plus grand
et enrichi an milieu d’un bouton de verre bleu.
Le vent ayant fraîchi, nous marchâmes plus vite; les insulaires
nous suivirent à la rame, en nous montrant la terre, et
nous invitant à y descendre.
Nous avions nue lirmne épaisse depuis notre départ de l’île
Behring; le temps ne s’éclaircit que le 18 (3o), lorsque nous
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