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plus grand diamètre de Fest à l’ouest, peut avoir au-delà d’un
quart de lieue de longueur ; l’enceinte en est d’une hauteur inégale,
et présente des pitons et des brèches; l’escarpement laisse
distinguer les couches de scories diversement colorées, qui sont
comme les assises de la construction. Un étang sulfureux , une
nappe d’eau jaune occupe à peu près les deux tiers du fond ; cet
étang baigne vers le sud-est le pied de quelques collines de soufre
qui brûlent d’nn feu tranquille; on voit l’eau qui les approche bouillonner
par intervalle. Un cratère commence à se former comme
la moraine cfun glacier autour de ces collines ardentes, et les
enserre, en arc de cercle, du midi à l’orient.
Je remarquai, dans la partie de l’enceinte diamétralement opposée
à moi, un éboidement de terre sur la pente ducjuel je me
flattai de pouvoir descendre dans le fond du cratère; et je jugeai
que pour gagner ce point , je pai’viendrais à tourner le précipice
du côté du nord en en suivant lácrete. Jeme mis aussitôt en
marche avec mes deux Tagals, et la jîremière partie de notre route
ne nous offrit que les difficultés q u e je m’étais attendu à rencontrer.
Don Pépé avait perdu sa timidité ; il paraissait s’enorgueillir
de son audace et me répétait avec complaisance, que jamais homme
n’avait encore fait le tour du gouffre, et que nous serions à jamais
les seuls qui eussent suivi ce sentier. Je lui fis remarquer que des
boeufs ou des buffles l’avaient frayé avant nous. J’ignore en effet
ce cjui peut porter ces animaux à cjuitter leurs pâturages pour fré-
cjuenter sur ces hauteurs désolées un sentier toujours prêt à s’aby-
mer sous leur poids. Nous ne fûmes pas, sous le vent dn cratère,
sensiblement incommodés des vapeurs de soufre.
Cependant l’arrête cjue nous suivions se trouva en jilusieurs endroits
absolument inaccessible, et nous fûmes , à diverses reprises,
contraints de redescendre vers la lagune, et de chercher à avancer
sur un plus grand cercle le long des flancs de la montagne, q u i ,
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coupés de profondes ravines, opposaient incessamment de nouveaux
obstacles à nos progrès toujours tardifs et difficiles. Le soleil
commençait à s’abaisser, lorsqu’enfin nous atteignîmes le but que
nous nous étions proposé.
Cette partie du cratère est celle qu’ont attaquée les eaux
qu’il a vomies dans ses dernières éruptions. Les ravines qui sil-
lonaient les terres éboulées au dedans du précipice, nous offraient
divers sentiers. Mes Tagals s’employèrent avec zèle à les reconnaître
et je parvins moi-même à descendre jusqu’à peu près aux
deux tiers de la profondeur ; mais la pente devenait toujours plus
rapide et plus coupée et je me vis enfin arrêté par un précipice
de plusieurs toises d’escarpement. Des cristaux capillaires d’alun
revêtaient les parois de ces ravines. Peut-être serais-je parvenu
à mon but si j ’avais pu me fournir à Taal des cordes que
j ’y avais inutilement demandées, et donner encore un jour ou
deux à poursuivre cette reconnaissance, ce que ne permettaient
pas l’approche de noti’e départ et le jour fixé pour me rendre au
vaisseau.
A la chute du jour nous redescendimes au bord de la lagune
à travers des terrains déchirés par l’écoulement des eaux. Je n’eus
pas le temps de visiter les collines parmi lesquelles devait se
trouver le cratère collatéral qui s’ouvrit en 1754, an pied du cratère
principal. Ma barque était du côté opposé de File ; j’envoyai
ordre à mes bateliers de venir à moi, et j’allai moi-même à leur
rencontre. Nous nous rembaïajuâmes.
Aucune lave n’a coulé du volcan de Taal. il semblait n’avoir
jeté que des scories, des cendres et des eaux. Son éruption la
j)lus mémorable est celle de 1754, décrite au long jiar Juan de la
Conce|)tion ( 0 . On semblait avoir perdu la mémoire des ériqir
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(1) I5 c. j ’. X I I I , cap . 12 , § I — 2 , p. 345 et su iv an te s .