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élanceé ([lie Ton apereoil d’uLie grande distance ; et enfin le volcan
de Taal, qui menace parliculièrement la ville de Manille dont il
n’est éloigné que d’une huitaine de lieues en ligne directe.
Je désirais voir rintérieur du pays; je m’arrêtai à l’idée de visiter
ce cratère redoutable, et je demandai les [lasseports nécessaires.
Les autorités espagnoles prétendirent m’honorer en m’embarrassant
d’une nombreuse escorte militaire. Cette course devait durer
huit jours ; je n’avais besoin c[ue d’un guide chez les Tagals paisibles,
timides, et hospitaliers ; je supportais seul les frais de mes
excursions scientifiques, et je mettais ma vanité à bien payer les
hommes que j’employais ; je composai avec l’ostentation espagnole,
et je partis enfin le 12 janvier 1818 de Tierra-Alta près
Cavité avec six chevaux c[ue commandait don Pépé, sergent de
milice tagale, qui me servait à-la-fois de g a rd e , de gnide, et
d’interprète.
Des bords rians de la baie de Manille, couverts d’habitations,
de jardins et de rizières, on s’avance au sud dans le pays à travers
des savanes et des forêts; les bourgades sont rares et pauvres,
mais on y voit des églises, et des couvens somptueux. Le terrain,
composé partout de tuf volcanique, s’élève insensiblement; et l’on
parvient, sans avoir monté de côte, à une crête escarpée, de la-
(juelle on découvre à ses pieds la vaste lagune Bongbong, an milieu
de laquelle le volcan de Taal forme un amphithéâtre de
cendre et de scories, de l’intérienr duquel s’élèvent de légers
nuages de fumée. Ile désolée, dont la lisière offre à [leine quelque
verdure.
De ce point de vue on descend vers l’ouest, à travers des forêts,
au nouveau bourg de T a a l , situé sur la mer de Chine, à l’embon-
churede la décharge de la lagune. J’y laissai mon escorte; el, frétant
un léger canot, je m’embarquai, dans l’après-midi du i 5 ,
avec don Pépé et un de mes Tagals. Nous mimes envinjn trois
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heures à remonter, à travers une sinueuse et riante vallée, le courant
rapide et peu profond qui forme aujourd’hui la décharge
du lac; c ’éta i t , anlérienrement à féruption désastreuse de lySd
un canal profond que remontaient les barcjues marchandes et les
cliampanes qui visitaient l’ancien bourg de Taal, situé sur la lagune.
Nous nous arrêtâmes le soir à une cabane de pêcheur voi sine
dn lac, et nous nous lembarqnâmes de nuit pour traverser
jusqu’à file. C’est alors c[ue don Pépé me conjura sur toute chose
d’être discret, de veiller sur mes paroles, et de ne point irriter
inconsidérément les puissances de l’abyme ; car le vo lc an, indifférent
pour les Indiens, a toujours redoublé de furie chaque fois
que des Lspagnols font abordé. Je lui représentai, sans cependant
dissiper ses craintes, que je n’étais point Lspa gno l , mais un
Indien d’une terre étrangère— un Russe.
La lagune a pour le moins une douzaine de lieues de circuit;
la profondeur en est grande. On prétend que vers le milieu la sonde
ne trouve point de fond; l’ean en est saumâtre, mais potable; on
la dit remplie de requins et de crocodiles; je n’ai vu pourtant aucun
indice de ces animanx, et je me suis baigné avec sécurité au
pied du volcan. Nous abordâmes file au-dessus du vent, du côté
de fest, et nous attendîmes l’aube mollement couchés dans les
hautes herbes qui croissent auprès de la grève el servent de
patnrage à quelques bestiaux.
A l’appi'oche du jour nous gravîmes, environ en un ([uart-d’heure,
sur un terrain de cendres et de scories, la côte nue et escarpée
au pied de laquelle nous nous trouvions. Les premiers rayons
dn soleil nous frappèrent sur les créneaux de cette enceinte
sauvage.
Je cherchai, en suivant trois ou quatre cents pas vers le
nord, le boi’d du cratère, le point de vue d’oii je lai dessine. Il
présente l’image d’im vaste cirque d’un eonlour irrégulier, son
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