pagnie n’ayant pas ici do navires, ou n’en ayant que de marnais,
ils portent ses fourrures à Okhotsk et se font payer en nature, ou
bien ils les transportent à Canton pour son compte et gagnent
prodigieusement.
Les Aléoutes sont traités différemment ; on ne les laisse pas s’endetter
; il y en a au contraire plusieurs dont les pères étaient
créanciers de la compagnie.
Les iles sont partagées en petits districts; chacun rloit fournir
à la compagnie les hommes dont elle a besoin pour aller à la
chasse aux renards, aux loutres et aux oiseaux. Les femmes Aléoutes
font avec la peau des oiseaux, et avec les intestins des animaux
de mer, des vêtements pour le compte de la compagnie. Chaque
femme reçoit en paiement, suivant la générosité du directeur,
deux à trois aiguilles à coudre, et souvent il y ajoute le cadeau
d’une feuille de tabac. Ces habits sont remis aux chasseurs; on
en déduit le prix sur la somme qu’on leur donne tous les ans, et
qui peut se monter à cinquante roubles en marchandises.
Il n’est pas aisé de peindre le caractère des Aléoutes; ils sont
doux, polis et même rampants, faux, vindicatifs; ils ont les vices
et les défauts des hommes dépravés par les mauvais liaitements.
Ils croient toujours qu’on veut les tromper , savent dissimuler,
aiment à faire des présents et à en recevoir en retour, et les attendent
des mois entiers; mais quand ils voient qu’on ne leur donne rien ,
ou que ce qn’on leur offre n’a pas une valeur assez haute suivant
leur idée, ils redemandent, même après nn très-long intervalle,
les choses qu’ils ont données.
Ils aiment à flatter, mais non pas gratuitement. Quand ils conçoivent
de l’inimitié contre quelqu’un, ils ne le (ont pas [laraitre ;
ils attendent pendant des années l’occasion de se venger, la guettent,
la saisissent, et prouvent leur ressentiment d’une manière
atroce. Deux Aléoutes qui ont de l’ariimosité l’un contre l’autre,
vivent long-temps sons le même toit, ne s’adressent pas la parole,
ou, si cela leur arrive, ils se font des reproches, toutefois sans
s’échauffer; ils ne parlent jamais tous les deux à-la-fois; chacun
laisse le temps à son ennemi et l’écoute tranquillement ; quand il
voit que son antagoniste ne lui dit plus rien, il commence à son
tour; les heures et les jours peuvent ainsi se passer sans qu’il
survienne le moindre changement; il n’y a qu’un événement extraordinaire
qui puisse les réconcilier.
Les Aléoutes sont très-superstitieux; ils croient à toutes sortes de
sortilèges. Depuis que les Russes les ont convertis au christianisme,
ils sont devenus très-dévots, et sont pénétrés de la vérité des dogmes
de la religion. Tons vont à l’église les dimanches et les fêtes; le
plus âgé des Russes lit la messe. Ils sont fermement persuadés que
ce n’est que depuis le temps qu’ils ont connu cette religion, qu’ils
ont pu être heureux.
Ils racontent diverses fables sur la création de l’homme et sur
leur origine. Les uns disent qu il y avait à Onnalachka, une chienne,
un gros chien y vint de Kadiak à la nage. C’est de ces animaux
qu’est issu le genre humain. D’autres rapportent qu’il y avait à
Onnalachka une chienne nommée Makakh ; nn vieillard nommé
Iragbdadakh arriva du nord et engendra avec elle nn fils et une
fille. Ces enfants étaient moitié homme et moitié renard. Le fils se
nommait Acagnikakh. Ce couple a donné naissance à la race humaine.
Le vieillard savait faire des hommes avec des pierres; il a
aussi [lüurvLi la terre de quadrupèdes, l’air d’oiseaux, la mer de
poissons en y jetant des pierres. Il avait de l’affection pour le genre
biimain, cpii se multiplia extraordinairement, de sorte que l’on voyait
à peine des quadrupèdes et des poissons, parce quils avaient tons
élc mangés par les hommes. Ceux-ci se voyant sur le point de mourir
de faim, prirent le [larti d’abandonner le pays, et d’en chercher
un antre. Ils alléreni an nord; ils furent long-temps en mer sur
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