grands et confortables chalets,
en face du cirque vraiment
grandiose formé par
les différents sommets des
Vorder- et Hinter-Spillger-
ten (2479 m.) qu’une arête
ciselée et hérissée de gendarmes
réunit l ’un à l ’autre
; c’est la Frohmattalp
( i85g m.). Plus de troupeaux,
pas la moindre clochette,
pas un son n’arrive
jusqu’à vous ; c ’est le grand
A Schônried. silence de la vie qui s’en
va, précurseur du somme®
dans lequel tout ce monde sera plongé pendant de longs mois. N’avez-vous jamais
rêvé à une esplanade au sol moelleux, ouverte d’un côté sur un horizon vaste et lumineux,
et de 1 autre dominée par d’immenses rochers, un endroit où vous passeriez,
seul ou à deux, une de ces journées dont le souvenir ne s’effacera pas ? Allez donc à
la Frohmattalp et dites-moi si ce n’est pas cela!
Si en outre vous êtes dévoré du besoin de dépenser un trop-plein de vie, je
suis sûr que vous comprendrez le signe amical que vous adressera certainement le
principal sommet des Spillgerten (ce nom ne signifie-t-il pas justement un doigt
et non un jardin où s ébattraient les chamois, comme,an l’a souvent dit) qui, semblable
au « Doigt de Dieu » dans le massif de la Meije, se dresse vers le ciel et vous
attire invinciblement? Il
e s t t e l lem e n t e s c a r p é
que, pendant longtemps,
on l’a cru inaccessible;
à un moment donné on
prétendit qu’un chasseur
de chamois y était monté,
mais... qu’il n’en était
jamais descendu ! C ’est
apparemment qu’il n’y
était jamais a l lé , b ien
qu’un habitant de Bet-
telried ait affirmé avoir
retrouvé là-haut le fusil
d u m y s t é r ie u x d is p a ru . A Schônried.
En réalité la première ascension de cette cime ne date que du 17 juin 1877, P^us
de cinquante ans après celle de la Jungfrau; elle a été exécutée par M. von Steiger
et MM. E ., A. et Max Müller, accompagnés de M. Gempeler-Schletti, l’auteur d’un
ouvrage fort intéressant et très complet sur la vallée de la Simme.
Vous craignez peut-être les à pic qu’il faut gravir et qui, à distance déjà, vous
donnent la chair de poule ; vous êtes plus attirés par les crêtes faciles, aux horizons
largement découverts, sur lesquelles vous puissiez errer à l’aventure, carte en main,
et sans appréhension ; la longue arête qui du Frohmattgrat aboutit au Niederhorn,
vous offre justement ce genre d’intérêt. En cours de route vous vous plongerez
dans les eaux d’un délicieux petit lac
bleu-vert ( 1835 m.), duquel surgit un
îlot tout rose de rhododendrons en juillet,
et qui donne son nom au Seehorn
ou Rôtihorn voisin (2283 m.), le meilleur
belvédère de ce chaînon. Au terme
de votre journée, à l’heure où les ombres
du soir s’allongent sur la vallée
de la Simme, vous descendrez au bord
de cette rivière et irez frapper à la porte
d’une antique auberge du bon vieux
temps, à l’Enge, près d’un pont couvert,
un reste aussi de la vieille Suisse.
Mais le temps presse; il faut quitter
l ’alpage où nous avons momentanément
dressé nos tentes et gagner le col de
Pfad (2000 m.), orientés par les taches
rouges disséminées sur les pierres le
long du sentier et qui facilitent beaucoup
cette traversée.
Sur l’autre versant de la montagne,
nous commençons à descendre dans
l’Alpelithal, sous les escarpements gris
légèrement rougeâtres du Rôthihorn
dont la sauvagerie est encore rehaussée
par la présence d’une importante forêt
d’aroles qui constitue un premier plan
d’une beauté presque solennelle. Il y en
a de tous les âges ; ces arbres, qui vous
font croire un instant que vous êtes en
Valais, lèvent vers le ciel terne leurs Torrent gelé au-dessous d'Adelhoden.