Immédiatement au-dessus les yeux sont fascinés par les avant-monts plutôt austères,
qui servent de repoussoir aux cimes blanches et gracieuses qui se dressent dans le
vaste ciel. Cette combinaison de paysages si différents, aussi bien que le changement
rapide des décors, font de l’Oberland bernois la terre élue des voyageurs. L e lac des
Quatre-Cantons lui-même, qui à certains points de vue est plus complet et plus grandiose
en son genre, n’a pas dans son horizon immédiat ces cimes reines qui commandent
le paysage et en imposent par leur inexprimable majesté ; il n’y a aucune analogie
entre l’effet produit par l’Uri-Rothstôck, qui atteint à peine 3ooo mètres et celui
des hères cimes bernoises de 4000 mètres et plus, drapées dans leur éclatant manteau
d’hermine.
L e touriste découvre dans ce pays, sur un espace de quelques kilomètres carrés
et en une demi-journée de voyage les tableaux les plus variés. Les nombreux chemins
de fer qui sillonnent la contrée à toutes les altitudes constituent des facilités de premier
ordre dont il faut savoir profiter, puisqu’ils sont là. Sans doute plusieurs de mes
lecteurs pas plus que moi-même ne les avons désirés; mais nous tâcherons de ne plus
songer qu’aux services qu’ils rendent.
Quelques heures consacrées à Thoune ne sont pas des heures perdues, loin de là.
Que ce soit le long dê la Hauptstrasse à l’aspect si original grâce aux boutiques surmontées
de terrasses sur lesquelles s’ouvre une nouvelle série de magasins, tout
comme dans la ville anglaise de Chester, que ce soit sur la colline qui porte le château,
l’église paroissiale et le cimetière, ou enfin du côté de Hofstetten, de Goldiwil
ou de la Schadau, il y a partout de charmants aspects à découvrir, des impressions
d’ordre esthétique très diverses à g lan e r ; l’antique ici coudoie l’ultra-moderne. Les
eaux de l’Aar, sereines et bleues, que Ton aperçoit d’un peu partout, constituent au
fond le centre du tableau dont le reste n’est que le cadre.
L e voyageur qui pour la première fois visite ces rivages n’hésitera pas à se rendre
à Interlaken par eau ; c ’est la manière justement classique.
Cela ne signifie point que le chemin de fer de la rive sud-ouest ne mérite pas
aussi d’être mis à profit; le trajet de Thoune à Spiez, dont nous avons parlé, est déjà
attrayant; il ne l’est certes pas moins, celui qui va de Spiez à Interlaken par Einigen,
à la délicieuse église en éteignoir noyée dans les vergers, Leissigen et Dàrligen où
l’on voudrait s’arrêter et se promener sur des grèves au charme prenant. L a route
parallèle à la ligne desservie par le Lôtschberg est ouverte aux automobiles, aussi
bien que celle de la rive droite qui pendant longtemps avait joui du privilège... de les
regarder passer sur l’autre bord dans un nuage de poussière ! Les bicyclistes ont toujours
eu l’avantage de pouvoir pédaler des deux côtés de la nappe bleue sans opposition
et plus d’un s'est dit certainement in petto en rencontrant un tuf-tuf quelconque :
« J’ai bien de la chance! Au moins, moi, je puis voir le pays en détail, en jouir à mon
aise, tandis que ces automobilistes !... Quand ils sont à Interlaken, ils ont fait le trajet
avec une rapidité telle qu’ils seraient bien embarrassés de dire exactement ce qu’ils
ont vu... »
Vue plongeante sur Merligen et le lac de Thoune.
Demandez donc à ce piéton qui évite en cet instant l’auto et le bicycliste, en se
garant sur le bord du chemin, ce qu’il pense de cette affaire ; ce n’est pas un heimat-
lose, ni un cordonnier faisant son « tour de France », ni un trimard, la casquette sur
l’oreille, le teint cuit par l’air du temps ; c’est un simple promeneur, c’est votre serviteur
; il les a cultivées ces grandes routes, au temps de sa jeunesse ; la plupart de
celles qui rayonnent autour de Berne, il les a foulées l’une après l’autre aspirant à
connaître un peu mieux sa belle patrie, même en dehors ides pâturages, des rocs et