et difficulté de respirer, sans qu’il en sache la raison. Il pense d’abord qu’il ne lui
était jamais rien arrivé de semblable dans sa patrie, il est mesme persuadé que s’il
pouvait y retourner, il trouverait du soulagement. Cet ardent désir de voir sa patrie
augmente le mal qui lui est causé par la pesanteur de l ’air. Sur cela il devient triste,
il perd l’appétit, il ne pense qu’à s’en retourner chez lui. Ces idées luy augmentent
le mal. Il prend enfin une fièvre qui le mine, et le mène jusqu’à la mort, si n’est
secouru. C ’est sur ce système qu’on a tâché de guérir le mal, en transportant le
malade sur une tour ou dans un autre endroit élevé. »
Pour jouir de l’aspect après tout classique du haut Oberland, il faut se faire transporter,
par la crémaillère à vapeur qui part de Gsteig-Wilderswyl, à la Schynige Platte
(1970 m.), puis s’élever à pied en vingt minutes jusqu’au sommet de la Daube
(2064 m.); de la terrasse terminale, on se trouve en présence d’une des vues les plus
grandioses du pays bernois. A vos pieds s’entr’ouvre profonde et sauvage la vallée
de Grtndelwald au-dessus de laquelle les grandes cimes blanches montent glorieuses
vers le ciel bleu, paraissant d’autant plus élevées qu’elles semblent sortir de plus bas.
Après avoir passé une heure ou deux dans cet air exquis, le besoin se réveille d’exercer
nos jarrets. Un sentier bien tracé nous conduit très facilement, en cinq heures,
par l ’arête de Winteregg, au Faulhorn (2684 m.), le sommet le plus classique des
environs immédiats de Grindelwald; il est pourvu d’un petit hôtel qui pendant un
temps fut même ouvert à la fin de décembre et en janvier, mais, dit-on, le jeu n’en
valait pas la chandelle !
Ces dernières années nombre de passants ont eu l’occasion d’apercevoir de.s chamois
dans les environs de cette cime ; la chasse y étant interdite, les hôtes gracieux
et inoffensifs y avaient afflué des régions peu hospitalières du Wetterhorn et du
lsenfluh.
Grindelwald de la Schynige Platte.
Mettenberg. Ils s’étaient même apprivoisés au point de se laisser approcher et l’on
en apercevait parfois des troupes d’une centaine de têtes ; en hiver, selon leur habitude,
ils descendaient volontiers daps le voisinage des habitations. Hélas ! la chasse a
été rouverte en automne 1913 et ces parages ont assisté pendant quelques jours à de
véritables hécatombes ; on a tué jusqu’à soixante-dix chamois en très peu de temps !
Chaque jour le gibier abattu était chargé par demi-douzaines sur les chemins de fer
oberlandais. Pauvres bêtes ! quel mal avez-vous donc fait pour que l’on vous poursuive
avec un acharnement pareil ? Nous fûmes un jour, il y a longtemps, au nombre
de ces persécuteurs ; entraîné par un chasseur, nous lui avions servi de rabatteur
pendant une longue journée ; vers le soir nous rentrions bredouilles au ch alet; faut-il
l’avouer, nous en éprouvions une satisfaction profonde, tandis que notre camarade
était furieux ! Depuis lors nous avons perdu toute envie de recommencer cette expérience
! Serait-ce pour cela que les chamois semblent nous considérer généralement
comme un passant inoffensif et se laissent approcher par nous d’extrêmement près ?
Ne nous sommes-nous pas trouvé un jour à peu près nez à nez avec trois délicieux
petits que nous aurions presque pu saisir de la main, si la mère toute voisine et vigilante
n’avait pas vivement sifflé pour engager sa progéniture à la prudence !
Tout en devisant pur ces charmants quadrupèdes, nous jouissons intensément du
panorama ; on voit les hauts sommets de plus près et de plus haut encore que de la
Schynige Platte. Si nous nous trouvions ici en hiver avec une neige favorable, au
lieu de prendre la voie ordinaire, menant à Grindelwald par le mélancolique
Bachsee, où se mirent les masses élancées du Schreckhorn et du Finsteraarhorn, et
par la Waldspitz, nous enfourcherions notre luge pour filer joyeusement dans la
direction de Burg (2210 m.). Ce créneau de rocher sur lequel nous ne manquerons