des nombreux hôtels qui pour la plupart occupent le rebord de l’esplanade devenue
célèbre dans le monde entier comme villégiature d’altitude.
L e lendemain matin nous nous promènerons dans le village et dans ses abords
immédiats et bien vite nous serons conquis pour peu que nous ayons le sens de la
grandeur dans le pittoresque. Suspendue au-dessus d’un abîme presque direct de près
de sept cents mètres, cette terrasse domine la profonde et étroite vallée de Lauter-
brunnen , le regard plonge dans le vide et remonte du fond de l’étroit canon le cours
de la Lütschine blanche qui prend sa source dans un monde de glaciers et de blanches
parois, après s’être faufilé entre le grand Mittaghorn et le pied de l’arête qui
descend du Gspaltenhorn.
Aujourd’hui, tout est saupoudré de neige fraîche, aussi le tableau atteint-il à peu
près son maximum de splendeur. Si nous cherchons à analyser le panorama qui
s étend devant nous, nous remarquons tout de suite que la masse sombre et un peu
écrasée de la Jungfrau, heureusement couronnée cependant d’une gracieuse coupole de
neige, le décompose en deux tableaux : a gauche la longue ligne onduleuse et brisée
du Männlichen à. la Petite Scheidegg se redressant brusquement à l’Eiger pour aboutir
a 1 immaculé Silberhorn ; a droite le cirque immense aux créneaux de glace qui
commence au Schwarz Mönch pour se terminer au Gspaltenhorn et que l’on domine
suffisamment pour en apprécier la vertigineuse hauteur, aussi bien que les détails les
plus caractéristiques. C ’est la partie qui frappe le plus en général et d’une manière
plus spéciale dans la matinée ; à çe moment on distingue souvent avec une parfaite
netteté la fente (Spalten) qui a donné son nom au beau sommet qu’est le Gspaltenhorn,
à l’extrême droite de cette rangée.
Ce tableau est grosso modo célui que l ’on va contempler à des altitudes diverses,
sous des angles multiples et avec des premiers plans variant à: l’infini. Comme la
veille au soir nous n avons pu distinguer qu’imparfaitement le paysage, nous reprendrons
le chemin de la Grütschalp, presque horizontale et parallèle à la ligne,
promenoir inoubliable sur lequel viennent se greffer , les sentiers de la Prämisegg,
de Lauterbrunnen, du Saustal par la Pletschenalp, de la Wintereggalp,
tous buts d’excursion familiers aux habitués de Mürren. Sur l ’esplanade de la Prästalp
impossible de ne pas faire halte pour contempler à son aise le splendide trio des
grandes cimes bernoises : l ’Eiger, le Mönch et la Jungfrau. 1 Dans toute l’étendue
des Alpes, il n’y a pas, dit Eug. Rambert (Récits et croquis : Interlaken), de montagnes
qui forment un ensemble plus parfait. Elles n’éveillent pas l’idée de sommités
jumelles, comme les deux Mythen au-dessus de Schwytz ; elles ne forment pas non
plus une famille de pics, comme les aiguilles du Mont-Blanc. Ce sont trois montagnes
distinctes, diverses de physionomie, de forme, de type, et cependant, ne les eût-on
vues qu’une fois, elles vivraient inséparables dans la mémoire. D ’un côté, une cime
d’un jet, qui semble d’elle-même s’être élancée dans les airs ; de l’autre, un monde de
magnificences, se perdant à une telle hauteur que le vol de l ’imagination a de la peine
Mürren et l’une de ses patinoires.
à l’y suivre, et, entre deux, pour que la pensée passe sans effort d’une de ces extrémités
à l’autre, une sommité qui a aussi sa physionomie, noble et sévère, et dont les
formes tiennent à la fois de la simplicité de l’Eiger et des richesses de la Jungfrau.
L a Jungfrau est plus haute que ses deux compagnes, mais elle ne les humilie point,
et: il n’y a entre elles aucune vaine rivalité. »
Un autre jour, nous nous rendrons à l’éminence de l’Almendhubel ( ig 38 m.), desservi
par un petit chemin de fer électrique, afin de faciliter en particulier les sports
d’hiver, ou encore à la Sulegg (2412 m.), une rivale du Schilthorn (2971 m.), la
course classique de la localité et que l’on ne saurait trop recommander. Mais nous
avons déjà gravi tant de cimes que nous éprouvons le besoin de nous maintenir dans
la vallée ou sur ses flancs. Nous prendrons le chemin de Stechelberg par Gimmel-
wald, nous laisserons à notre droite le grandiose Sefinenthal et nous gagnerons
l’Obersteinbergalp (1869 m')-
Nous nous installons pour un ou deux jours dans l’un des deux petits hôtels de
l’endroit, car nous voulons jouir à fond de la merveille naturelle que constitue l’extrémité
supérieure de la vallée de Lauterbrunnen.
Notre première promenade sera pour l’Oberhornsee (2080 m.), un vrai petit lac des
régions polaires souvent encore recouvert de glace assez tard dans l’été et que l’on
atteint en une heure. Une éminence voisine nous fournit un emplacement tout indiqué
pour jouir longuement et paisiblement de cette haute vallée. Goethe lui-même est
venu jusqu ici en course en 1779» dans une lettre à Mme de Stein, il s’exprime