confortable prison, nous donnons un coup d’oeil au verdoyant bassin de Grindelwald
qui brusquement s’ouvre à nos pieds.
A la station d Eismeer (3161 m.), tout le monde descend, car on change de wagon ;
on passe devant la porte d’une splendide salle de restaurant toute boisée et l’on se
précipite vers la grande ouverture percée du côté opposé de la montagne, sur le versant
qui regarde le glacier inférieur de Grindelwald. Si les circonstances atmosphériques
sont favorables, même s’il fait mauvais temps, le coup d’oeil est vraiment saisissant.
Une accalmie dans l’ouragan vient en effet de se produire ; les nues s’entr’ouvrent
et laissent apercevoir a nos yeux stupéfaits des amoncellements de séracs bouleversés,
aujourd’hui recouverts d’une épaisse couche de neige fraîche qui a fait disparaître
les traces du sentier glacé reliant l’Eismeer à la cabane de Bergli en six quarts
d’heure. Il faudrait avoir le temps de rester longuement ici, mais l ’horaire est inexorable
et il faut repartir.
Encore quelques kilomètres de souterrain et l’on quitte le train ; au sortir d’un
long couloir discrètement éclairé par des verres coloriés, on se trouve tout à coup
transporté dans le restaurant du Jungfraujoch, sorte de vaste cabane du Club alpin
suspendue aux flancs du Mônch à 3457 mètres d’altitude et à 80 mètres au-dessus du
plateau qui forme le col lui-même. Certes il vaut la peine de venir jusqu’ici, même
quand ce ne serait que pour admirer par les fenêtres la double bordure des cimes qui
entourent l ’immense fleuve du glacier
d’Aletsch, long de 25 kilomètres ; mais on
aurait grand tort de s’en tenir là ; il faut
aller voir les environs immédiats de la
station, en particulier l’esplanade voisine
d'où l’on plonge sur la Petite Scheidegg,
le Sphinx, en arrière de la maison, et surtout
le plateau du col lui-même sur lequel
on se promènera longuement à son aise
aux premières heures du jour ou au contraire
vers la fin de l’après-midi. L e contraste
qui règne entre le monde polaire
qui nous environne et la verdure des vallées
environnantes et de la plaine suisse
est très impressionnant; c’ e s t q u e lq u e
chose que l’on ne voit guère ailleurs dans
nos Alpes au même degré,
E t dire qu’il a suffi d’une bonne heure
pour venir de la Petite Scheidegg jusqu’ici
et pour se trouver transporté du même
coup dans un centre de courses et de
Glacier d’Oberaletsch vu du Jungfraujoch.
hautes ascensions vraiment exceptionnel ! Jugez donc : en trois heures vous gravissez
la Jungfrau (4166 m.); un touriste parti de Berne en plein hiver, à 6 heures du matin,
a pu atteindre le sommet le jour même et rentrer au Jungfraujoch pour y passer la
nuit. Un autre, également en hiver, a pu faire toute la course de G rindelwald entre le
premier déjeuner du matin et la table d’hôte du soir. Evidemment cela tient du fantastique,
quand on compare ce résultat rendu possible par le chemin de fer avec les
heures interminables qu’il fallait jadis consacrer à cette excursion.
En quatre heures aussi vous atteignez le sommet du Mônch (4105 m.), celui du
Trugbe rg (3g33 m.) ou celui du Gletscherhorn (3982 m.) ; en cinq heures vous montez
au Grand Fiescherhorn (4049 m.), l’un des plus beaux belvédères des hautes Alpes.
Les ascensions de l’E iger (3974 m.) par l’Eigerjoch, du Grand Grünhorn (4047 m.) et
de l ’Aletschhorn (4182 m.) se font en sept à neuf heures. Un abatteur de cimes, un
yankee, a même réussi à gravir en un jour, dès la cabane de Bergli, tour à tour le
Grand Grünhorn, la Jungfrau, le Mônch et l’Eiger, avec retour à la station d’Eismeer !
C ’est dire que le chemin de fer permet les combinaisons les moins banales dans ce
domaine. Ajoutons enfin qu’en trois heures vous gagnez la Concordia, ses cabanes et
son auberge Cathrein ; en six heures l’hôtel de l’Eggishorn, en six heures la cabane
du Finsteraarhorn, en cinq heures le refuge de la Lôtschenlücke ou en deux heures
la Bergli, alors qu’il fallait jadis près de huit heures de Grindelwald pour se rendre
à cette dernière cabane par le chemin le plus direct !
Si l ’on gravit beaucoup plus volontiers l’Eiger (3974 m.) directement de la Petite
Scheidegg, — une des grandes ascensions les plus à la mode aujourd’hui, — on s’en
va assez souvent au Finsteraarhorn (4275 m.), soit par Eismeer, la Bergli et la Grün-
hornlücke, soit par le Jungfraujoch et la Concordia.
Ce chemin de fer, qui apparaît d’abord comme une ligne de luxe, se trouve ainsi
transformé, si nous nous plaçons au point de vue des grandes facilités qu’il offre aux