L ’expédition de Samuel Studer de-Berne le 20 juillet 1783 au glacier de l’Unteraar
et la description qu’il en publia dans le i ' r volume du Magasin de Hôpfner, 1787,
avec ses intéressantes observations sur les « tables » et les « marmites », ramena
l’attention du public sur cette « véritable source de l’Aar », que depuis Schôpf
on avait presque totalement oubliée et que seuls les bergers valaisans de l’Unter- et
Oberaar connaissaient.
Mais avant que la science s’emparât de ce domaine où elle devait obtenir de
merveilleux résultats, la fatalité s ’abattit sur 1’ « ancienne Berne », et au lieu des
conducteurs de sommiers, des touristes et des naturalistes, ce furent les armées
autrichiennes et françaises qui traversèrent l ’Oberhasle et qui firent des environs de
l ’hospice et des hauteurs du Grimsel un champ de bataille. Mais, encore qu’intéressantes
au point de vue de la topographie locale, les scènes de combat qui se déroulèrent
le 14 août 1799 autour du Grimsel sortent de notre cadre ; nous renvoyons le
lecteur à la description qu’en a faite Bahler (p. 20-24).
L a tourmente passée, les traces de la dévastation subie par l’hospice s’effacèrent
plus rapidement qu’on n’eût pu le supposer, quand ’on songe que toute la boiserie
du bâtiment avait servi de combustible aux soldats. L a circulation par le col augmenta
dans une grande proportion, de même que le nombre des personnes qui
utilisaient l ’hospice comme point de départ d’ascensions. Parmi les touristes de
passage, nous notons les membres de la famille Meyer d’Aarau, avec les ingénieurs
a leur service J. H. Weiss et E . Mtiller. C ’est du Grimsel que partirent les caravanes
qui explorèrent l ’Oberaarjoch et la Strahlegg; de là aussi que le Finsteraarhorn
et la Jungfrau furent gravis pour la première fois. E t les guides qui étaient requis
pour ces expéditions, gens du Hasle ou Valaisans, étaient pour la plupart des domestiques
de l’hôtel, mis à la disposition des touristes par l’hôpitalier.
A mesure que grandissait le nombre^ des voyageurs, s’amélioraient aussi les conditions
du logis, tant a la Handeck qu’a l’hospice, dont la commune, aussitôt la paix
conclue, avait fait de nouveau une maison habitable. Le bâtiment, avec de la place
pour dix lits, était néanmoins encore assez primitif jusqu’en 1822, où l’hôpitalier
Jakob Leuthold d’Im Boden, l’agrandit à ses propres frais, ce qui lui valut, de la
part des autorités du Hasle, un bail exceptionnel de douze années. La redevance en
était assez élevée, mais le fief, joint à celui de la Handeck, pouvait estiver 3o vaches
et 5oo pièces de petit bétail.
L ’hospice agrandi put dès lors offrir aux voyageurs i 3 petites chambres meublées,
un spacieux refectoire, plus une annexe qui donnait a l’ensemble un aspect agréable.
L escalier principal, en pierre, conduisait directement du dehors au premier étage,
tandis que les pièces du plain-pied étaient réservées aux serviteurs, aux conducteurs
de sommiers et aux services domestiques. Une construction attenante, en pierre également,
était destinée à abriter les chevaux.
Fr. Meisner nous dit* qu’entre 1820 et i 83o, le passage était quelquefois tellement
1 P etits voyages en Suisse, vol. 3, p. aao (Berne 1834).
fréquenté qu’en une seule semaine on y comptait plus de 200 bêtes de bât qui ordinairement
passaient la nuit à l’hospice.
Dans le même volume se trouve cette description de la cascade de la Handeck,
datant de 1810 environ : « Près du chalet nous descendîmes pendant quelques minutes
à travers une forêt de sapins, dans la direction du torrent dont le bruit de tonnerre
nous assourdissait, jusqu’à un éperon d’où tout à coup s’offrit à nos pieds le merveilleux
et terrifiant spectacle.
A notre droite les f lo t s
puissants de l’A a r se précipitaient
avec fracas dans
un gouffre sans fond ; à
gauche, derrière les sapins
noirs, l’Aerlenbach, presque
aussi volumineux que
l’Aar, apparaît, mugissant
et couvert d’écume; il s’élance,
mais n’atteint pas le
fond du précipice : à mi-
chemin dans les airs, la
formidable chute de l’Aar
l’étreint et l’engloutit. Si
l’on se trouve sur ces rochers
qui tremblent sous
vos pieds, à l’heure où le
soleil levant é c la i r e l ’ é norme
chaudière d’où remontent
des tourbillons de
vapeur qui le r e n v o ie n t
vers le ciel en une infinité
de rayons et d’étincelles,
il semble que par la terrible
force de la chute toute
cette masse d’eau s’allume
et rejaillit de l’ a b îm e en
flammes ardentes. »
Lorsque ces lignes s’imprimèrent,
la cascade avait
déjà à plusieurs r e p r is e s
été reproduite par des artistes
tels que Juillerat et Alpage d’Oberaar e t Grand Siedelhorn.