dix seulement possédaient un logis habitable en hiver et même n’y passaient probablement,
suivant l’usage aujourd’hui général, que le temps nécessaire à la consommation
du foin engrangé l’année précédente ; ils s’éloignaient avant que l’exode fût
rendu dangereux pour eux et leur bétail par les avalanches qui à droite et à gauche
tombent des Fisistôcke et du Balmhorn.
Il y a dans la Bible de Gastern plusieurs inscriptions relatives à des catastrophes
survenues dans la région ; ainsi le vicaire Fréd. Meley raconte, en date du 11 août
1834 : cc Dans la soirée du dit jour, une partie du glacier de Siller (le Faulengletscher
actuel, sur le versant O. du Doldenhorn) s’est détachée, ce qui ne s’est pas vu depuis
plus de cent ans, et a dévasté une grande étendue de chemin et de pâturage, dont il
ne doit guère rester de vestiges, » et déjà en 1810 le professeur bernois de sciences
naturelles, Frédéric Meisner, recueillit d’un homme digne de foi, rencontré dans la
salle de l’auberge de Kandersteg, l’information suivante : « Une avalanche descendue
des rochers de l’Altels a enseveli une habitation et les trois personnes qui l’occupaient
; d’autres, qui venaient du Balmhorn d’un côté et du Doldenhorn de l’autre,
ont couché par terre des forêts entières, — jusque-là épargnées et regardées comme
une protection, — ont rempli les braves gens de terreur, en avertissement du sort
qui pourrait tôt ou tard les atteindre, eux et leurs maisons ; ils n’ont plus depuis lors
passé l’hiver à Gastern. » Le même informateur ajoute cependant, — et cette description
est confirmée par d’autres hôtes de la vallée : « En été, Gastern n’offre pas
moins d’agréments qu’aucun autre séjour alpestre... 92 vaches, 800 moutons et 200
chèvres trouvent une pâture suffisante sur l’Alpe environnante, etc. »
Meisner raconte de façon épique la mise à mort du dernier ours : « L ’ours était
venu du Valais par-dessus la montagne jusque dans la vallée, où il avait commis
de nombreux méfaits parmi les troupeaux. Les bergers, pour la plupart habiles
chasseurs de chamois, décidèrent d’organiser une battue. Ils suivirent le plantigrade
à la piste, en remontant le Glacier Long (Glacier du Lôtschberg) jusque sur les
solitudes glacées du Schilthorn. Blessé par un coup de feu, l’ours prit la fuite et
se réfugia sur une étroite corniche le long d’une paroi à pic à plus de mille pieds de
hauteur, au bout de laquelle était posté le conseiller de paroisse (Chorrichter) Gros-
sen, tout au bord du précipice. A peine a-t-il aperçu le chasseur que l’ours se dresse
et marche sur lui. L ’homme épaule et fait feu, mais seule la poudre brûle dans le
bassinet ! Quelle situation ! Mais le chasseur ne perd pas un instant la tête : il nettoie
la lumière de son fusil, y introduit de la poudre fraîche, vise et abat à ses pieds
la bête qui n’était plus qu’à quelques pas de lui. L ’ours fut triomphalement traîné
jusqu’aux chalets et de là à la Tellenburg, résidence du bailli. Sa peau fut longtemps
conservée à la maison communale de Frutigen. Mais la prime de 10 doublons envoyée
à Gastern par le gouvernement suscita d’amères querelles et de tenaces jalousies ;
non seulement celui qui avait tiré le premier et celui qui avait abattu Tours, mais
encore tous ceux qui avaient été de la partie estimaient avoir droit à la répartition,
Jungfrau et Petersgrat pris de l’Hochenhorn.