têtes ou leurs épaules robustes, ou
leurs longs bras gris tordus et desséchés,
blanchis par les années et
jusqu’ici respectés par la hache du
bûcheron. Qui aurait jamais eu l’idée
de venir chercher un bois d’aroles en
ces lieux? E t ce n’est pas le seul; la
crête, qui là-bas relève péniblement
son échine de pierre, ne porte-t-elle
pas le nom d’Arvenhorn (arven ¡jf*
aroles)?
Ils ne se sont pas foulés l’esprit,
ceux qui dans les âges lointains ont
baptisé ces pâturages et ces cimes;
voyez plutôt, carte en main, dans
cette seule partie de la vallée les
noms choisis : le Pfadhorn (la pointe
qui domine le sentier), le Rôtihorn
(à cause de la couleur du rocher), le
Seehorn, la Frohmattalp, le Roth-
horn, le Kalberhorn, le Niederhorn,
l’Alp, Galm, Kumi, etc. Est-ce simple
et prosaïque et absolument étranger
aux élucubrations des savants de cabinet
qui jadis s’en allaient chercher
presque toujours très loin ce qui était
très près, dans une origine abstruse
et compliquée, volontiers celtique, ce
que la plus vulgaire connaissance du
patois et des préoccupations ordinaires
du montagnard leur aurait
révélé du coup sans qu’il y eût pos- Diemtigen; , .
sibilité même d hésitation !
Mais nous nous attardons, la nuit à cette saison vient vite. Encore une splendide
forêt de sapins serrés et sombres et le cours du Grimmibach a traverser, et nous
sommes à la Grimmialp (1222 m.). Qui connaît la Grimmialp? Peu de gens encore, et
pourtant il y a là un hôtel point trop palace, au centre d’un vaste parc naturel, sur
un promontoire à la jonction de deux vallées, au centre d’un beau cirque de montagnes
vertes ou rocheuses, avec une chapelle protestante récente et fort originale qui
ne rappelle en rien le banal clocheton de maint édifice de ce genre. E t puis l’on y boit
les eaux... Heilquelle, lit-on sur la
longue galerie où l’on se promène
tout en dégustant ce nectar, une eau
ferrugineuse qui complète très hygiéniquement
le biefi que vous y fait
cette atmosphère pure et balsamique.
Enfin l’on y vient en hiver surtout
pour le ski auquel le pays convient
exceptionnellement.
Il y a beaucoup d’érables dans le
Diemtigthal, au centre duquel nous
sommes maintenant, avec le doigt
géant de l’Hinter-Spillgerten qui domine
tout le paysage. On voit à T ie r -
matten, à quelques kilomètres plus
bas, une vieille, vieille auberge, propriété
du sieur Klo.ssner, merveilleusement
ciselée, incrustée et sculptée
sur toute sa façade principale, tout
comme la Ruedishaus de Kandersteg,
que l ’on considère comme un des
bijoux de l’architecture oberlandaise.
Il y avait aussi par là, le jour où je
m’y trouvais, un jeune garçon qui
jodelait à ravir. Oh ! si vous l ’aviez
entendu, à la tombée de la nuit, au
milieu des mélèzes d’or, au pied des
rochers boises de la Schürtenegg qui
s’emparaient de ces harmonieuses
modulations, les combinaient en trilles
étourdissantes et en faisaient quelque
chose de très rare, de très émouvant
aussi, un peu de la v ieille Suisse Signswyi.
qui chantait là ... pour la seule joie de chanter, dans l’ignorance la plus complète de
1 echo que rencontrait en cet instant chez un passant inconnu cette musique exquise
et trop tôt évanouie.
Voici bientôt Zwischenflüh aux chalets disséminés sur une prairie, et Riedli, puis
les gorges sombres et la cascade puissante et bruyante au double jet du Pochten-
kessel, au pied des pentes semées de vergers qui portent la charmante et modeste
villégiature de Rotbad (1025 m.), station balnéaire, comme son nom l’indique, et qui