T out à fait en arrière nous avons aperçu l’Arpelistock (3o3g m.) dont le nom est pour
nous inséparable d’un souvenir amusant. Nous habitions alors la vallée des Ormonts,
à quelques lieues de Gsteig, et l’on venait parfois nous demander des renseignements.
Un jour un monsieur très long, extraordinairement maigre et pâle, très aimable du
reste, en quête de « promenades », nous priait de lui indiquer ce qui était
le mieux à sa portée, ce que je traduisais dans mon esprit par de modestes ballades de
une à deux heures. Il m’écoutait, me faisant observer doucement qu’il pouvait en supporter
davantage. Nous nous séparâmes et, à quelques jours de là, nous nous retrouvâmes.
« — Alors, qu’avez-vous fait ? Avez-vous été satisfait de vos premières explorations
î — Certainement.... Tenez, j’ai fait quelque chose de charmant, je suis
allé par Gsteig du côté du Sanetsch et me suis laissé tenter par l’Arpelistock, j’y suis
monté et suis rentré ici, un peu fatigué sans doute, mais c’était une si belle « promenade
!» Je le croyais sans peine ; mais une promenade de treize à quatorze heures
seulement ! J’étais cloué et exprimais mon admiration en termes quelconques. Ah !
méfions-nous des mots auxquels chacun donne un sens différent ; méfions-nous surtout
des apparences... elles sont décidément trompeuses !
Accompagnés d’un guide, nous nous mettons en route pour le Wildhorn, non par
le Sanetsch et la Pucelle, une des voies qu’on choisit quelquefois, mais par le lac de
Lauenen ; c ’est encore le procédé le plus recommandable pour bien des raisons.
Le col du Chrinnen, aux ineffables patrigots, permet de se rendre en trois heures
à la gentille petite auberge construite sur un rocher d’où l’on domine le lac aux eaux
dormantes, aux radiations changeantes, et placé au centre d’un cirque vraiment
magnifique.
Massif du Wildhorn vu du Truttlisbergpass.
Au sommet du Wildstrubel.
Une forte montée le long de la splendide cascade de Dungelschuss, -B u n e To sa
en miniature, — et nous voilà transportés sur l’immense alpage de Kuh-Dungel, au
pied des escarpements sévères du Niesenhorn, un des plus beaux du canton de Berne,
qui nous rappelle l’Engstligenalp et par là-même la prairie de Salanfe. Une traversée,
malcommode en hiver, de la pente très abrupte des Stiegelen nous conduit sur un
épaulement du Niesenhorn, immédiatement au-dessus du lac d’Iffigen, aux aspects
polaires, par lequel on gagne le Wildhorn de la Lenk, et peu après à la cabane du
Wildhorn. Heureux si nous ne nous y trouvons pas en trop nombreuse compagnie !
Oh ! que de fois dans les Alpes on en arrive à presque maudire la mode qui a
provoqué l’envahissement actuel de nos cabanes ! Que de fois aussi l ’on en sort,
hélas ! chargé dé la malédiction de tel hôte, à tort ou à raison, tout aussi mécontent
de votre présence ! J’en sais quelque chose.... Une nuit, là-haut dans la soupente, je
m’étais endormi non sans peine, mais pour tomber dans le plus détestable des cauchemars.
Je voyais en rêve l’un des jeunes gens que je conduisais penché sur le vide
effrayant d’un précipice au fond duquel il allait disparaître. Brusquement je me
lève, je m’empare vigoureusement d’une énorme masse noire qui se profile dans la