pas d’aller passer une bonne heure au soleil mérite une visite, aussi bien que le site
occupé par les chalets de Fuhrenweid, où nous passerons tout à l ’heure avant
d’atteindre Düftbach et Grindelwald.
L ’immense majorité des voyageurs montera naturellement à Grindelwald plutôt
par chemin de fer ; elle a raison ; c’est plus pratique et plus à la portée de chacun.
Nous voudrions cependant engager vivement ceux qui connaissent le charme des
routes, aujourd’hui presque délaissées, à partir deux heures plus vite de Wilderswyl
par une belle matinée et de gagner à pied Zweilütschinen ; ils ne regretteront
pas leur promenade, pas plus que ceux qui descendent de même façon de Grindelwald
à Lütschenthal aux heures favorables et si possible en juin, en octobre ou en
janvier ; ils béniront l’existence des chemins de fer qui leur rendent à eux-mêmes de
si grands services et qui, à d’autres moments, leur permettent de jouir en paix des
chemins de montagne jadis envahis, aujourd’hui à peu près déserts. Quelles haltes
délicieuses l’on peut s’accorder dans le voisinage du torrent ou de quelqu’une des
cascades de la vallée ! On se laisse doucement bercer par cet embryon de mélodie que
des oreilles exercées perçoivent dans le bruit des eaux murmurantes. Un savant compatriote
n’est-il pas arrivé, après une série d’observations sur les chutes d’eau de
divers calibres, à la conclusion qu’elles donnent toutes, petites et grandes, l’accord
parfait A'ut majeur, enrichi d’un f a plus grave étranger à l ’accord ? C e / a profond,
dit-il (Débats, i 3 décembre i g i 3), sourd et grondant, résonne comme une note venue
de loin, d’autant plus fort que la chute a plus de volume et de hauteur. Il s’entend
par delà une montagne ou à travers un bois épais, tandis que les autres notes deviennent
à distance presque imperceptibles. Dans les petites chutes le mi échappe tout à
fait à l’oreille. Toutes les notes se répètent à différentes octaves, plus aiguës ou plus
graves suivant l’importance de la cascade.
Peu avant d’arriver à Grindelwald, vers Schwendi, une pure apparition nous est
encore réservée ; c’est le Silberhorn, qu’une dame me montrait un jour dans le train,
convaincue que c’était le ... Mont-Blanc !
A Grindelwald.
VIII
DE GRINDELWALD A ROSENLAUI PAR LE PAVILLON DOLLFUSS
Grindelwald ! Grandivaux, disaient nos ancêtres et certaines vieilles chartes, ce
qui nous met sur la voie de sa véritable signification ; c’était pour nos pères, non la
grande forêt ou la forêt frontière, comme on l’a dit, mais la grande vallée ! C ’est
encore aujourd’hui la grande vallée de l’Oberland, celle que tout voyageur doit avoir
vue. E t l’on ne s’en fait pas faute, car la petite cité moderne, qui a partiellement
remplacé le village brûlé en 1892, est souvent, pendant les hautes saisons d’été et
d’hiver, comme prise d’assaut par les foules, que le petit chemin de fer haletant
déverse sur la place de la gare. A supposer que vous redoutiez les cohues et ce
qu’elles amènent d’ennuis, et parfois d’écoeurement, choisissez d’autres moments de
l’année : juin, septembre, octobre par exemple, ou encore fuyez bien vite vers les
sites discrets, tranquilles où vous serez à peu près sûrs d’être seuls; il y en a une
véritable abondance dans cette vallée.
Nous sommes ici dans le Zermatt des Alpes bernoises, la première station de ce
pays comme importance, mais aussi comme verdure et comme caractère hautement
alpin. Lorsqu’on a surmonté l’impression première du Grindelwald boulevardier,