et pourtant je crois que l’on n’a pas tout dit quand on a affirmé que c ’était une montagne
« assommante » ! On affirme par contre que l ’ascension par l ’arête Nord
faite pour la première fois en 1912, est à recommander à ceux qui ne craignent pas
douze heures d’efforts et de gymnastique vertigineuse.
Le froid de la soirée nous oblige à couper court à nos réflexions ; il faut rentrer
dans la cabane de la Schwarzegg; elle n’est pas grande et, comme elle est souvent
p us qu encombrée, la section de Bâle a dû se décider à l’agrandir sérieusement ou à
en construire une autre ailleurs. Elle prit le dernier parti et édifia, à une heure plus
haut, sur un eperon de rocher et sur le chemin du col de la Strahlegg, une maisonnette
de bois pouvant aisément recevoir trente personnes. Ceux qui aiment à savoir
ce que coûte un édifice de ce genre apprendront avec intérêt que le transport seul
du matériel a représenté, dans le total des dépenses qui s’élève à 18298 francs,
une somme de 6646 francs et le montage lui-même une valeur de 1700 francs. Les
dlt+e.différrPentn-pt>eQs pièces nonn tf d’abord été .t_r_a ns '
portées de Grindelwald par le chemin
de fer de la Jungfrau à la station d’Eis-
meer et de la, par le moyen d’une vingtaine
de montagnards chargés de 60
kilos chacun, à la Zâsenbergalp tout
d’abord, et enfin par le passage de
l’Enge à l ’emplacement choisi.
L a cime la plus fréquemment g ra vie
d’ici est le Schreckhorn, auquel on
ajoute le qualificatif de Grand (4080 m.)
pour le distinguer du Petit (3497 m-)>
situe plus au Nord; ce n’est pas à dire
que l’ascension en soit jeu d’enfant,
très loin de là ; c’est une partie sérieuse
qu il ne faut faire qu’à bon escient et
dans des conditions de temps et d’en-
trainement vraiment bonnes, même par
la voie ordinaire. Quant à l’ascension
directe depuis le Lauteraarsattel, d’où
elle se fait quelquefois, un guide de
premier ordre, accompagné d’un touriste
très expérimenté, considérait cette
face de la montagne comme l’une
des plus périlleuses des Alpesyr*/'.
Inutile de chercher à rattacher
lç nom de Sçhreçkhorn
Schreckhorn vu de Zàsenberg.
(Pic de la Terreur, comme on le dit généralement) aux impressions des premiers
vainqueurs de cette cime, d’abord parce que cette appellation est bien antérieure à la
première ascension, et ensuite... parce que cela signifie tout autre chose! « Schreck »
désigne, nous dit le Rev. W . A. B. Cooledge dans ses remarquables monographies
des Climbers’Guides (Bernese Oberland, vol. II), quelque chose qui se dresse haut
dans les airs, allusion par conséquent à l’élancement des parois de cette montagne.
Pour en atteindre le sommet, on gagne d’abord le Schrecksattel (3978 m.) par un
long couloir et des pentes de glace ; au delà on retrouve une nouvelle pente de glace
encore plus escarpée et filant presque tout droit sur le Lauteraarfirn et le long de
laquelle le Rev. Elliott disparut jadis dans l’abîme. Encore une grimpade sur un
rocher excellent et une arête de neige et nous voici au point culminant. « Comparée
au sommet de la Jungfrau, dit un alpiniste, celui-ci est un vrai salon. Nous sommes
six et nous nous y trouvons tout à fait à l’aise. A la rigueur une cinquantaine de personnes
y auraient place. Quant à la vue, je l’estime infiniment supérieure à celle de
la Jungfrau. Nous sommes comme sur un îlot au milieu
d’une mer immense de glaciers. Aucune cime ne nous
écrase, et, grâce à l’éloignement des autres pointes,
il nous semble que nous les dominions toutes. » (Ed.
de Freudenreich.) Parmi ceux qui sont venus jusqu’ici,
on mentionne de source autorisée la visite d’un brave
homme, tailleur de village, alpiniste enragé dans ses
loisirs qui en un certain jour se fit accompagner par
l’un de ses ouvriers, un camarade sourd-muet dont
c’était la première course de montagne, ou à peu près !
Il paraîtrait que l’expérience fut des moins encourageantes;
il jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y reprendrait
plus !
En descendant ces pentes à pas lents, tandis que
le guide rafraîchit les marches taillées le matin, nous
pouvons donner un coup d’oeil à notre majestueux
voisin, le Grand Lauteraarhorn (4043 m.), et nous
décidons de nous y rendre le lendemain ; c’est une
course un peu moins difficile que celle du Schreckhorn,
mais plutôt rarement exécutée. Après avoir passé une
troisième nuit à la cabane de la Strahlegg, nous renonçons
à escalader le Finsteraarhorn (4275 m.), à cause
du temps qui nous semble vouloir se gâter et des onze
heures fatigantes et dangereuses dont il faut disposer
pour arriver au but ; ce dernier sommet, du reste,
aussi bien que le Klein-Fiescherhorn ou Ochsenhorn
Mônch vu du
Schreckhorn.