lieux ; le Lôtschthal a beaucoup à vous donner. Vous que tout cela laisse à peu près
insensibles et qui demandez avant tout le confort et les facilités de la vie, ne vous y
aventurez pa s; vous n’y trouveriez, à part le téléphone, rien de ce qu’il vous faut. Ce
n’est point du tout à dire que l’on soit mal logé à Kippel, à Ried chez mon vieil ami
M. Schrôter, à la Fafleralp ; vous y trouverez tout ce dont un alpiniste a besoin pour
la satisfaction de ses goûts les plus légitimes !
Ferden, Kippel, W y le r, Ried se succèdent ; chacun de ces v illages a son caractère,
mais voici Blatten, le plus exquis de tous, le plus mouvementé, le plus noir, le mieux
situé comme effet pittoresque sur la berge rocheuse qui plonge dans les eaux blanches
de la Lonza; voici enfin, à quelques pas de l’Hôtel d e là Fafleralp, construit lui-même
sur un mamelon recouvert de mélèzes pour le moins centenaires, sur la prairie voisine,
les chalets de ce nom blottis les uns contre les autres, aux façades veloutées, aux
toits recouverts de pierres d’où s’échappe la fumée bleue caractéristique des feux de
mélèze, sorte d’harmonie préétablie entre la couleur du bois dont est faite la maison
et celle de la fumée que produit ce même bois.
Voulez-vous avoir, dans une vision unique, comme une révélation des charmes spéciaux
de cette vallée? Prenez à droite au delà de ce hameau un sentier qui vous conduira
en un bon quart d’heure à la Guggistaffel (1922 m.), sur un promontoire de rocher
surmonté d’une croix d’où l’on enfile la vallée dans toute sa longueur, jusque près de
Goppenstein, et où elle apparaît dans toute sa beauté. La plume sé refuse à
décrire des sites comme celui-ci, avéc ces chalets tout noirs serrés les uns contre
les autres, ces vieux mélèzes, cette couronne de hauts sommets et de passages tous
intéressants. Nous y viendrons le soir après la table d’hôte, nous y resterons jusqu’à
la nuit, silencieux et émus, enveloppés dans nos manteaux, et nous en conserverons
un souvenir ineffaçable.
Bien avant jour le lendemain,
laissant à gauche G u g g i s t a f f e l ,
nous g a g n e r o n s le g la c i e r de
Lange, partie inférieure de celui
de Lôtschen. En cinq heures nous
parviendrons à Lôtschenlüke (3204
m.) et peu après à la cabane Egon
von Steiger, sur un promontoire
tout voisin ; nous y prendrons un
repos bien mérité. Si nous sommes
en hiver, armés de nos skis, c’est
avec satisfaction que nous ferons
un bon feu et que nous nous enroulerons
dans l’une des couver- Kühmatt.
Lôtschenlücke, Lôtschengletscher et Sattelhorn.
tures, car il y fait parfois une température qui rappelle davantage celle du pôle sud
que celle de la Sicile. En face de nous montent vers le ciel les pentes escarpées, striées
de couloirs et plaquées de glace, qui aboutissent à l’Aletschjoch et à l ’Aletschhorn
(4129 m.), le principal sommet de cette partie des Alpes bernoises.
On ne peut s’empêcher de penser ici au drame dont ce monde a été le théâtre en
juin 1912 et qui a eu un grand retentissement dans notre pays, grâce à la personnalité
des victimes ; nous voulons parler de l’accident survenu au Dr Fischer, accompagné
d’Ulrich Aimer et du Dr Jenny, de Zofingue, qui seul a réchappé. Ils étaient
pourtant tous les trois solides/résistants et expérimentés, le Dr Fischer entr’autres ;
fils lui-même d’un guide mort en 1879 sur le versant italien du Mont Blanc, frère d’un