reux qui avaient été ainsi brusquement surpris, tués ou abîmés et que l’on venait d’en
retirer. Au retour sur Gampel, dans cette vallée si exposée au fléau des avalanches,
nous avons î>w, pendant l’espace de trois quarts d’heure, descendre, traverser la route
près de nous ou s’arrêter juste à temps, quatorze coulées de neige plus ou moins considérables
! L ’une d’elles avait précédemment saisi au passage trois ouvriers et les
avait ensevelis. Des travaux importants et intelligents ont supprimé aujourd’hui cette
cause d’accidents, à Goppenstein même, et sur tout le parcours de la ligne ; donc
plus d’inquiétude de ce côté-là.
Mais nous voici hors du grand tunnel, à Goppenstein ; regardons de nouveau par
la portière en nous tenant du côté droit du wagon ; l ’on ne voit plus rien du village
de jadis, mais bien un immense mur et de véritables fortifications de pierre qui mettent
la station à l’abri de toute surprise. Nous franchissons la Lonza, traversons une série
de tunnels, et circulons avec rapidité et sécurité à une grande hauteur au-dessus des
gorges qui constituent l’entrée du Lôtschthal et qui sont d’une extraordinaire sauvagerie.
L e contraste qui existe entre le versant nord et le versant sud de la montagne, entre
le côté bernois et le côté valaisan, est extrêmement marqué. Avant le grand souterrain,
c’était le vert, le bleuâtre et le gris qui
dominaient dans cette nature riante,
fraîche et idyllique sous certains rapports
; de ce côté^ci, c’est le jaune et
le gris-rougeâtre tacheté de vert sombre
qui règne en maître ; c’est la sécheresse,
l’aridité de gorges désolées ; c ’est
un autre monde.
A l’issue du long tunnel de Hohtenn
(1046 m.) qui coupe l’angle de la montagne
à la sortie de la vallée, c ’est un
pays nouveau et inattendu qui se découvre
subitement à nos yeux ; la vallée
du Rhône, dont on ne soupçonnait pas
même l’existence tout à l ’heure, s’ouvre
à nos piéds, large, régulière, parcourue
par le filet d’argent du grand fleuve.
Tunnels, viaducs, abîmes, terrasses,
hameaux pittoresques se succèdent avec
une telle rapidité qu’il ne faut pas se
permettre la moindre distraction, si
l’on tient vraiment à tout voir et à bien
voir. Voilà justement l’entrée du grand a Kandersteg.
pont jeté au travers de l’étroite fissure
du Bietschthal, à 80 mètres au-dessus
de la rivière; ce que l ’on aperçoit dans
ces quelques secondes constitue à notre
avis le passage le plus saisissant de
toute la ligne : au milieu de l’étroite
gorge que l’on franchit, un énorme
bloc de rocher tombé des hauteurs s’est
trouvé arrêté et pincé entre deux parois
puissantes, formant une sorte de voûte
sous laquelle on distingue vaguement
tout au fond les flots bouillonnants du
Bietschbach.
Nous sommes bien en Valais décidément,
tout nous le rappelle ; aussi,
abandonnant à Brigue ce pays déjà décrit
par la photographie et la plume
dans nos Alpes valaisannes3 nous retournerons
par le même chemin à Goppenstein.
Il est du reste indispensable
de parcourir une ligne de chemin de
fer dans les deux directions : on ne l’a I MHWBH
' f . Gorge de la Kander.
connaît reellement qu’à cette condition,
et encore : il est certaines voies ferrées que nous avons parcourues plus de vingt fois,
y faisant toujours de nouvelles découvertes. Entre Brigue et Goppenstein nous serons
frappés, au retour plus encore qu’à l’aller, par la multiplicité des tunnels, constatant
que sur un trajet de 19 km. nous en faisons 8 sous la montagne, chiffre à peine
dépassé par le Gothard. Nous remarquerons aussi, particulièrement sur le parcours
entre le tunnel de Hohtenn et Goppenstein, les travaux exécutés par les ingénieurs
contre les avalanches sur les deux versants de la vallée, jusqu’à une grande hauteur.
On aperçoit ici et là quelques-uns des murets construits sur les pentes les plus abruptes
et au travers des couloirs les plus exposés, sur l ’alpe de Faldum jusqu’à 2400 m. et
ailleurs. Les coulées qui persistent n’offrent aucun danger aux voyageurs ; elles ne
peuvent que glisser sur la voie ferrée et l’obstruer momentanément. Pour obvier
à cet inconvénient la compagnie a acquis un chasse-neige perfectionné, une sorte de
wagon de marchandises muni à l’avant d’une grande chaudière à vapeur actionnant
une gigantesque hélice de fer pesant 35 quintaux, mesurant trois mètres de diamètre
et faisant cent cinquante tours à la minute ; elle rejette la neige à gauche et à droite
et réussit à se frayer facilement et rapidement son chemin au travers de la plus forte
avalanche.