un des plus anciens de la localité. A gauche de cet établissement bifurque un large
chemin de parc; c’est celui du lac d’Oeschinen que nous suivrons pendant une heure
et demie.
Le lac d’Oeschinen, ce bijou de la création ! Il ne faut pas manquer de s’y rendre ;
et celui qui l’a vu n’aura qu’une idée : y retourner.
Tout en montant nous ne pouvons faire autrement que de songer à un projet qui
hante certains cerveaux et qui a fort heureusement provoqué l’indignation de tous
les amateurs du beau. Eh, oui, il a été très sérieusement question en 1913 de créer
un chemin de fer qui, lui, aurait à coup sûr abîmé cette merveilleuse retraite qu’est le
lac d’Oeschinen! S’il y a des massacres devant lesquels il faut savoir se courber et...
se taire, il en est d’autres en face desquels il faut élever la voix avec vigueur jusqu’à
ce que l’on vous ait entendu! On s’est révolté, on a crié au sacrilège, e t... le Conseil
communal de Kandersteg a jusqu’ici refusé son approbation à cette entreprise. Mais
que nous réserve l’avenir à ce point de vue? Nous préférons l’ignorer, car nous n’avons
pas confiance en l’humanité aux lubies souvent déplorables !
Nous y voilà ; j ’étais inquiet l’an dernier, me demandant avec angoisse : Qu’a-
t-on fait de mon beau lac? Il y avait quatorze ans que je n’y étais retourné et je me
représentais déjà ce qu’avait pu être le progrès (!) de la civilisation pendant cet espace
de temps sous forme de bancs vernis à dossier, pour ceux qui trouvent la terre trop
basse, des baraques pour cartes postales et sculptures, des tennis-courts, etc.? Eh
bien, hâtons-nous de le dire, toutes mes appréhensions étaient vaines. C ’était toujours
la même surface bleu gris, aux nuances changeantes mais si douces, la même prairie
et le même sapin décharné au centre, le même chalet... j’allais dire les mêmes vaches,
A Oeschinen.
les mêmes « modzons », les mêmes veaux. C ’était toujours l’Oeschinen d’autrefois,
celui qui de tout temps nous est apparu comme unique en son genre dans nos Alpes
suisses et italiennes, celui que personne n’allait encore admirer il y a 200, 5oo, 1000
ans. Toujours là devant nous cette muraille gigantesque et sévère culminant dans le
fier Bliimlisalphorn ; toujours là ces blanches pyramides perdues dans le ciel qui s’appellent
l ’Oeschinenhorn et le Freudenhorn ; toujours là les cascades légères, les névés
immaculés et les cassures glauques à la ligne de rupture des glaciers. E t plus près
de nous le même chaotique et poétique dédale de rochers,
de sapins maigres, tordus ou élancés, encadrant de leur
ramure cet arrière-plan de cimes. C ’est le même
silence, la même paix, quand, perdu dans quelque
retraite ignorée, à l’écart de la petite pension
autour de laquelle se concentre là vie so c ia le ,
j’éçoutais ravi le clapotis léger de l’eau sur les
galets, le murmure du vent dans les aiguilles
de sapins.
Pour avoir une impression plus complète
encore de la beauté de ce cirque,
passez à gauche sous cette barme rocheuse
où des jeunes gens sont en train de
couper leur bois entassé à l’abri, et g a g n e z ,v
au-dessus de cette paroi, l’alpage de l’Unter
Oeschinenalp et les champs de rhododendrons
éclatants au milieu desquels vous trouverez faci
lement une cachette. Le temps passera vite,
car l’on est si bien là-haut ! Puis l’on n’y
est pas sans distraction ; vers la fin des
belles journées d’été, on aperçoit
sur le sentier, à l’écart duquel
on s’est installé, d’innombrables
caravanes en route
pour la cabane du
Hohthürli, appelée | |
a u s s i Frauenbalm
ou Blümlisalphütte
(2781 m.). Ils sont
en bandes de deux,
de trois, de cinq, de
h u i t, d e dix. P a u v
r e s g e n s ! H eu- j i l 0 Près d Oeschinen.