Rohrbachstein et Wildhorn vus de la cabane du Wildstrubel.
pénombre et, prenant le genou de mon voisin pour le jeune homme en question
je m’imagine le retenir au bord de l’abîme!... Un juron expressif et terrible s’échappe
de la poitrine de l’inconnu que je malmenais ainsi. Subitement réveillé, je comprends
l’horreur de la situation et je me dissimule bien vite sous mes couvertures attendant,
inquiet, l’issue des événements. On entendit longtemps encore des grognements significatifs,
puis il se produisit un silence lourd de menaces qu’interrompait seul de temps
à autre le ronflement des autres dormeurs. E t j ’en fus quitte pour lire plusieurs années
après, sur mon compte, dans le livre de la cabane des expressions toutes fleuries... de
mauvaise humeur ! Sûrement que quelques heures plus tard nous nous serions donné
mutuellement l ’accolade fraternelle, si nous nous étions retrouvés, pacifiés par les
splendeurs matinales.
L e temps est pur, les étoiles brillent au firmament ; après la traversée de l’escarpement
glacé qu’il faut franchir à gauche du Kirchli, au moment d’atteindre le glacier
de Dungel, nous éteignons la lanterne et, deux heures plus tard, nous sommes
installés au sommet du Wildhorn (3264 m.). De toutes les cimes des Alpes bernoises
et vaudoises, entre la Dent de Mordes et la Gemmi, celle-ci nous paraît offrir le meilleur
des panoramas, le plus complet, le mieux groupé, le plus intéressant, dans la direction
des Alpes pennines en particulier. On est transporté comme au centre d’un
L e Wildstrubel vu du Hahnenmos.
immense hémicycle dont les deux extrémités sont le Mont-Blanc et ses acolytes d’un
côté, le Bietschhorn et les Wetterhôrner de l’autre. Si nous sommes montés ici en
hiver, chaussés de nos skis, nous ferons une descente merveilleuse le long d^s pentes
du glacier de Ténéhet pour aboutir au-dessus d’un petit lac polaire, aux eaux bleu de
Prusse vers la fin de l ’été, sur lesquelles
flottent assez tard de blancs icebergs.
Jusqu’au col du Raw y l, il faut aller
passablement au petit bonheur, de val-
lonnet en vallonnet, d’éperon en éperon,
de lapiaz en lapiaz ; en été ce n’est pas ce
qu’on pourrait appeler amusant, loin de
là! Mais enfin on arrive au chemin’]du
Rawyl. En a-t-on dit du mal de ce malheureux
passage : ennuyeux, interminable,
sans aspect pittoresque, etc., etc.!
Essayez une fois de vous y rendre en partant
de l’Iffigenalp, gravissez le matin de
bonne heure à pas sages et réguliers les
lacets qui écharpent ces colossales parois ;
tâchez même de vous y laisser surprendre
par une bonne tempête de neige; je crois
que vous serez satisfaits et que vous jouiCabane
du Wildstrubel.