glacier, de l’eau qui court, du vent
qui gémit en frôlant les rochers
désagrégés du voisinage.
L ’esprit vagabonde ; il songe à
ceux dont le dernier cri a retenti
lugubre en ces lieux, aux heures
des grandes catastrophes, à ceux
que l’avalanche a entraînés là-bas
sur les flancs du Mönch avec l’illustre
Burgener. Et ceux-là nous
font penser à d’autres. Nous nous
trouvions justement en 1888 dans
cette région en route pour le Met-
tenberg, peu après le terrible accident
dont furent victimes le géologue W e itstem
et ses cinq camarades à la Jungfrau. A
la sortie de Grindelwald un groupe de guides,
nous voyant partir pour les glaciers avec deux
jeunes anglais, nous adjuraient de n’en rien
faire ; nous courions à notre perte, nous
allions à coup sûr partager le sort des six
malheureux !... Ils ne remplissaient que leur
devoir en avertissant des jeunes gens qui à
leurs yeux allaient commettre une grosse imprudence!
Ils se souvenaient que peu auparavant
leurs collègues de Lauterbrunnen
avaient crié aux six touristes au moment de
leur départ ces paroles textuelles : « Faites
en sorte que nous ne soyions pas obligés
d’aller vous ramasser au Rotthal ! » intuition
qui se trouva correspondre à une terrible
réalité. Nous n’allions ni à la Jungfrau,
Eiger de la cabane de la Schwarzegg.
ni au Schreckhorn - B i l s ne le savaient pas ■*** mais seulement au Mettenberg, une
ascension qui ne présente aucun danger.
Se lancer dans la haute montagne sans guide leur apparaissait comme la suprême
folie ! Oh ! cette question des courses sans guide, que d’encre elle
a fait couler, que de propos amers n’a-t-elle pas déchaînés ! j
Question insoluble, parce qu’elle n’est qu’individuelle ; il y
a des gens qui ont besoin d’un guide pour aller à la Petite
S cheidegg..., il y en a d’autres qui sont en mesure dans i l
Mônch du Mônchpass.
les conditions normales de monter en toute sécurité à la Jungfrau sans se faire
accompagner! Devenu guide patenté nous-même en suite de circonstances spéciales,
la question s’est par là simplifiée, les autres guides étant devenus ainsi des collègues
avec qui l’on s’arrange. E t la patente elle-même ne confère guère qu’un minimum de
sécurité à celui qui en utilise le porteur ; je connais des montagnards non patentés et
de première force, à qui je confierais mes enfants les yeux fermés ; j’en connais qui
sont pourvus d’un livret gris recouvert du parchemin sacramentel et dûment autorisés,
mais que je prendrais à peine comme porteurs !
Partis ce jour-là pour le Mettenberg, nous en sommes aussi heureusement revenus,
fatigués par l’escalade d’un interminable couloir de 1200 m. de hauteur, mais
enchantés de ce que nous avions eu le privilège de voir du point culminant (3 107 m.).
La haute paroi du Finsteraarhorn jaillissant d’un seul élan de son socle de glace,
le Schreckhorn monumental et sauvage, et
l’Ëiger extraordinairement effilé, nous ont
apparu avec le coup d’oeil plongeant sur les
environs immédiats, comme les parties essentielles
d’un tableau qu’il vaut la peine de
contempler.
To ut le monde n’est pas de mon avis;
le Mettenberg a une mauvaise presse, on
n’encourage guère les touristes à f i l à y monter,