une avalanche tombée du Sidelhorn
arracha une partie du bâtiment,
s’engouffra en masse dans les pièces
intérieures e t m en a ç a la m a iso n
d’une ruine complète. Le domestique
gardien, qui passait l’hiver dans
cette solitude p o u r le c a s où des
voyageurs auraient réclamé ses services,
fut épargné. L ’a p r è s -m id i
précédent, tandis qu’il était occupé
à saler les fromages, il avait à trois
reprises cru entendre l’appel d’un
« hucheur » du haut de la montagne.
N’apercevant p e r s o n n e e t v o y a n t
que le chien, d’habitude très prompt
Hôtel des Neuchâtelois. à donner l’alarme, restait tranquillement
couché, il ne s’en inquiéta
pas davantage, sachant par expérience qu’il n’est pas rare qu’un changement de temps
s annonce par ces bruits mystérieux. A deux heures de la nuit, la voix appela de nou-
. veau à travers les tenèbres et éveilla le gardien. Une heure se passe encore. Tout
à coup un effroyable mugissement déchire l’air, les poutres craquent, la maison
vacille et d’énormes masses de neige pénètrent en trombe à l’intérieur. Paralysé de
terreur, le gardien se trouve enseveli dans une mortelle obscurité, mais, par miracle,
sain et sauf, protégé par la mince cloison de sa chambrette. A côté, dans la salle à
manger plus vaste, il aurait infailliblement trouvé la mort. Mais il lui fallut le labeur
de plusieurs jours pour se frayer une sortie et descendre dans la vallée chercher le
secours nécessaire au déblaiement et aux réparations du bâtiment. »
En prévision du retour de la catastrophe, la façade du côté du col fut munie d’un
pare-avalanche, soit contrefort haut et tranchant, construit en moellons de granit, et
qui fut conservé, au moins dans sa partie inférieure, après l’incendie de i 8 5 2 , tandis
que le bâtiment, lors de sa reconstruction en 1853, subit divers changements, bien ■
que toujours dans le style de l’ancienne maison. Sous la direction des hôpitaliers Joh.
Fruttiger ( i 8 5 3 - i 8 6 2 ) , Alexandre Huber (1863-1876), Alexandre Nâgeli (1877-1892),
il put encore répondre aux exigences d’un trafic assez considérable et d’un passage
d’étrangers fréquent.
Après 1 ouverture de la ligne du Gothard, le trafic de somme par le Grimsel cessa
entièrement ; par contre, l’afîluence des étrangers, surtout depuis l’inauguration de la
grande route en 1895, augmenta tellement que le pays de Hasle trouva dans son
intérêt de vendre le domaine du Grimsel, avec la Handeck, à son dernier fermier,
M. Liesegang-Perrot, en 1902. Des mains de celui-ci, il a passé récemment en la possession
de la Société bernoise des forces motrices, autrement dit du canton de Berne.
Avant de parler, en terminant,. de certains projets qui, — à la désolation des
fidèles du H e im a t s c h u t— rendraient méconnaissables à leurs anciens amis les alentours
de l’hospice du Grimsel, retournqns un instant aux alpes de l ’Unter- et de
l’Oberaar, dont le sort serait tranché du même coup.
Gottlieb Studer, déjà mentionné, recueillit sur l’alpe d’Unteraar, ou l ’hopitalier
estivait i 3 vaches en i 83g, le renseignement que voici * : a Le plateau actuellement
rongé par l’A a r et recouvert d’éboulis et de dechets de glacier était autrefois, dit-on,
une alpe fleurie et fertile sur la destruction de laquelle court une légende analogue
à celle du glacier voisin du Gauli. De temps a autre les vachers étaient surpris par
l ’apparition d’une petite femme valaisanne sans tê te; le domestique de 1 aubergiste du
Grimsel certifiait même avec le plus grand sérieux qu’elle s’était un jour approchée
tout près de lui pendant qu’il trayait les chèvres, n
L a tradition populaire sur la manière dont les gens de Tô rbel sont entrés en possession
de l’alpe d’Oberaar est moins macabre et pourtant déjà singulièrement défigurée.
Sir Martin Comvay *, qui, le 18 juillet 1894, vint avec une nombreuse société
de la cabane Concordia et passa l’Oberaarjoch, se reposa un moment au chalet de
l’alpe d’Oberaar, recueillit cette tradition de la bouche du muletier Ignace Kalbermat-
ten et d’un pâtre, tous deux de Tô rbel : « Il y a bien des centaines d’années, les gens
de Tôrbel avaient coutume de se rendre une fois l’an a Berne pour affaires. Une fois,
au retour, quatre d’entre eux s’arrêtèrent dans une auberge à Obergestelen et là surprirent
une conversation entre les principaux de la commune et une noble dame, propriétaire
de biens dans ces parages, comme quoi cette dame désirait leur vendre un
alpage et comme quoi ils refusaient d’en donner le prix demandé. Aussitôt que les
gens d’Obergestelen eurent quitté l ’auberge, ceux de Tô rbel s’avancèrent et conclurent
l’affaire, achetant l’alpage exempt de toute redevance rurale ou souveraine. A
leur rentrée à Tô rbel, la commune ratifia allègrement le marché et dès lors utilisa
l'alpage pour les moutons et le bétail non laitier. Mais, prétendait Kalbermatten, il
leur fallut de longues et laborieuses négociations pour que.les voisins de Conches,
envieux de l'aubaine qui leur avait échappé, leur accordassent
sur leur territoire le libre passage des troupeaux.
»
En fait, d’après ce que nous ont appris les documents
cités plus haut, nous pouvons donner raison au brave
Kalbermatten sur ce point : ses ancêtres étaient gens
prévoyants et avisés en affaires ; leurs descendants ne
le leur cèdent en rien. Avec une ténacité toute valaisanne,
ils ont maintenu intact leur droit de disposer de
l’Unteraar, par opposition au projet des Forces motrices
de Berne. Ce projet comportait, par la construction d’un
1 Mémoires topographiques sur les Alpes, p. 27. (Berne, 1844.)
2 Les Alpes d’un bout à l’autre, p. 190. (Londres, 1895.)
t »