imaginées pour entaffer fous le même nom de Singe ,
line multitude d’animaux d’efpèces différentes & même
très - éloignées.
J ’appellefinge un animal fans queue, dont la face eft
aplatie , dont les dents, les mains, les doigts 6c les
ongles reffemblentà ceux de l’homme, & qui, comme
lu i, marche debout fur fes deux pieds ; cette définition
tirée de la nature même de l’animal & de fes rapports
avec celle de l’homme, exclut, comme l’on voit, tous
les animaux qui ont des queues, tous ceux qui ont la
face relevée ou le mufeau long ; tous ceux qui ont les
ongles courbés, crochus ou pointus ; tous ceux qui.
marchent plus volontiers fur quatre que fur deuxpieds..
D ’après cette notion fixe & précife, voyons combien
il exifte d’efpèces d ’animaux auxquels on doive donner
le nom deJinge. Les Anciens n’en connoiffoient qu’une
feule; le pitkecos des Grecs, le Jîmia des Latins„ efl un
fn g c , un vrai Jinge, 6c c ’eft celui fur lequel Ariflote,.
Pline & Galien ont inftitné toutes les comparaifons
phyfiques, & fondé toutes les relations du finge à
l ’homme ; mais ce pithèque , ce finge des Anciens, fî
reffemblant à l’homme par la conformation extérieure,
& plus fentblable encore par l’organifation intérieure „
en diffère néanmoins par un attribut qui, quoique
relatif en lui - même, n’en eft cependant ici pas. moins
effentiel , c ’eft la grandeur ; la taille de l’homme ère
général eft au-deffus d‘e cinq pieds, celle du pithèque
»’atteint guère qu’au quart de cette hauteur ; ayffi ce
N o M E N C L A T U R E D E S S I N G E S . 3
finge eut-il encore été plus reffemblant à l ’homme, les
Anciensauroient eu raifon de ne le regarder que comme
unhomoncule, un Nain manqué, un Pigmée capable
tout au plus de combattre avec les grues , tandis que
l ’homme lait dompter l’éléphant Sc vaincre le lion.
Mais depuis-les Anciens, depuis la découverte des
parties méridionales de l’Afrique 6c des Indes, on a
trouvé un autre finge avec cet attribut de grandeur >
un finge ( planche / ) aufti haut, atifti fort que l’homme ,
auffi ardent pour les femmes que pour fes femelles ;
un finge qui fait porter des armes, qui fe fert de pierres
pour attaquer, & de bâtons pour fe défendre, 6c qui
d ’ailleurs reffemble encore à l’homme plus que le pi*-
thèque; car indépendamment de ce qu’il n’a point dê
queue, de ce que fa face eft aplatie; que fés bras, fes
mains, fes doigts, fes ongles font pareils aux nôtres,
6c qu’il marche toujours debout; il à un efipèce de
vifage, des traits approchans de ceux de l ’homme,
des oreilles de la même forme , des cheveux fur la
tête; de la barbe au menton, 6c du poil ni plus ni
moins que l’homme en a dans l ’état de nature. Aufti
les habitans de fon pays, les Indiens policés n’ont pas
héfité de l ’affocier à l’efpèce humaine par le nom
d’Orang-outang, Homme fàuvage ; tandis que les Nègres
prefque aufti fauvages, aufti laids que ces finges, 6c
qui n’imaginent pas que pour être plus ou moins policé
l ’on foit plus ou moins homme, leur ont donné un
nom propre ( PongoJ, un nom de bête & non pas