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foient pas la même, combien l’intervalle qui les féparû
ell difficile à iàifir.
Je l’avoue, fi l’on ne devoir juger que par la forme,
l ’elpèce du finge pourrait être prife pour une variété
dans l’efpèce'humaine : le Créateur n’a pas voulu faire
pour le corps de l’homme un modèle abfolument
différent de celui de l’animal ; il a compris fa forme ,
comme celle de tous les animaux, dans un plan général ;
mais en même temps qu’il lui a départi cette forme
matérielle femblable à celle du linge, il a pénétré ce
corps animal de fon fouffle divin; s’il eût fait la même
faveur, je ne dis pas au finge, mais à l’efpèce la plus v ile,
à l’animal qui nous paraît le plus mal organifé, cette
elpèce feroit bien - tôt devenue la rivale de l ’homme ;
vivifiée par l’efprit, elle eût primé fur les autres; elle
eût penfé, elle eût parlé : quelque reffemblance qu’il
y ait donc entre l’Hottentot & le finge , l’intervalle qui
les fépare ell immenfe, puifqu’à l’intérieur il ell rempli
par la penfée & au dehors par la parole,
Qui pourra jamais dire en quoi l’organilàtion d’un
imbécille diffère de celle d’un autre homme ! le défaut
ell certainement dans les organes matériels, puifque
l ’imbécille a fon ame comme un autre; or, puifque
d’homme à homme, où tout ell entièrement conforme
& parfaitement femblable, une différence fi petite,
qu’on ne peut la faifir, fuffit pour détruire la penfée ou
l ’empêcher de naître, doit-on s’étonner qu’elle nefoit
jamais née dans le finge qui n’ên a pas le principe!
^ aine
N o M E N C L A T U R E D E S S i MG ES. 3 3
L ’ame en général a fon aétion propre & indépendante
de la matière ; mais comme il a plu à fon divin
Auteur de l’unir avec le corps, l’exercice de fes aéles
particuliers dépend de la conllitution des organes matériels
: & cette dépendance ell non-feulement prouvée
par l’exemple de l’imbécille , mais même démontrée par
ceux du malade en délire, de l’homme en lànté qui
dort, de l’enfant nouveau né qui ne penfe pas encore,
& du vieillard décrépit qui ne penfe plus ; il femble
même que l’effet principal de l ’éducation foit moins
d’inftruire l’ame ou de perfeélionner fes opérations
fpirituelles, que de modifier les organes matériels, &
de leur procurer l’état le plus favorable à l’exercice du
principe penfant; or il y a deux éducations qui mepa-
roilfent devoir être foigneufement dillinguées, parce
que leurs produits font fort diffërens ; l ’éducation de
l ’individu qui ell commune à l’homme & aux animaux ,
& l’éducation de l’efpèce qui n’appartient qu’à l’homme;
un jeune animal, tant par l’incitation que par l’exemple ,
apprend en quelques femaines d’âge à faire tout ce que
fes père & mère font ; il faut des années à l'enfant,
parce qu’en nailîant il ell fans comparaifon beaucoup
moins avancé, moins fort & moins formé que ne le
font les petits animaux ; il l ’eft même fi peu , que dans
ce premier temps il ell nul pour I’efprit relativement à ce
qu’il doit être un jour : l ’enfant ell donc beaucoup plus
lent que l’animal à recevoir l’éducation individuelle ;
mais par cette raifon même il devient fufceptible dç
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