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» c ’étoit une femelle; elle étoit de grande taille & marchoit
» fouvent fort droit fur fes pieds de derrière ; alors elle
» cachoit d’une de fes mains l’endroit de fon corps qui
0 diftinguoit fon fexe ; elle avoit le vifage fans autre poil
» que celui des fourcils, & elle reffembloit affez en gé-
» néral à ces faces grotefques des femmes Hottentotes
» que j’ai vues au Cap : elle faifoit tous les jours proprement
» fon lit, s’y couchoit la tête fur un oreiller & fe couvroit
» d’une couverture__ Quand elle avoit mal à la tête,
î> elle fe ferroit d’un mouchoir, & c ’étoit un plaifir de la
» voir ainfi coiffée dans fon lit. Je pourrais en raconter
» diverfes autres petites chofes qui paroiffent extrêmement
» fingulières; mais' j’avoue que je ne pouvois pas admirer
» cela autant que le faifoit la multitude, parce que n’igno-
» rant pas le deffein qu’on avoit de porter cet animal en
» Europe pour le faire vo ir, j’avois beaucoup de penchant
« à flippofer qu’on l’avoit dreffé à la plupart des fingeries
n que le peuple regardoit comme lui étant naturelles ; à
ti la vérité c ’étoit une fuppofition. Il mourut à la hauteur
33 du cap de Bonne - efpérance dans un vaiffeau fur lequel
*> j’étois ; il eft certain que la figure de ce linge reffembloit
beaucoup à celle de l’homme, &c. » Gemelli- Carreri
dit en avoir vu un qui feplaignoit comme un enfant,
qui marchoit fur les deux pieds de derrière , en portant
fa natte fous fon bras pour fe coucher & dormir. Ces
finges, ajoute-t-il , paroiffent avoir plus d’efprit que
les hommes à certains égards: car, quand ils ne trouvent
plus de fruits fur les montagnes, ils y ont au bord de la
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mer où ils attrapent des crabes, clés huîtres & autres
chofes fembiables. Il y a une efpèce d’huîtres qu’on appelle
taclovo, qui pefent piufieurs livres & qui font fouvent
ouvertes fur le rivage ; or le finge craignant que quand il
veut les manger , elles ne lui attrapent la patte en fe refermant
, il jette une pierre dans la coquille qui l’empeche
defe fermer, & enfuite il mange l’huître fans crainte. ,
«Sur les côtes de la rivière de Gambie (ditFroger3)
les finges y font plus gros & plus médians qu’en aucun «
endroit de l’Afrique ; les Nègres les craignent & ils ne «
peuvent aller feuls dans la campagne fans courir rifque «
d ’être attaqués par ces animaux qui leur préfentent un «
bâton & les obligent à fe battre.. .. Souvent on les a vus «
porter fur les arbres des enfans de fept à huit ans qu’on «
avoit une peine incroyable à leur ôter ; la plupart des f*
Nègres croient que c ’efl une nation étrangère qui eft “
venue s’établir dans leur pays, & que s’ils ne parlent pas, “
c ’eft qu’ils craignent qu’on ne les oblige à travailler ».
«On fe pafferoit bien ( dit un autre Voyageur b }
d e voir à Macacar un aulfi grand nombre de finges, «
car leur rencontre eft fouvent funefte ; il faut toujours être *
bien armé pour s’en défendre.... Ils n’ont point de queue, «
ils fe tiennent toujours droits comme des hommes, «
& ne vont jamais que fur les deux pieds de derrière ».
Voilà du moins , à très-peu près, tout ce que les
Relation du voyage de Gennes, par Froger, pages 4 2 à “ 4 3 .
Dcfcription hiftoriquc dâ" royaume de Macacar. Paris, 1 6 8 S ,
page j i .
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