Il en feroit à cet égard de nos chèvres comme de
nos hrebis ; on pourrait, en les mêlant avec la chèvre
d 'A ngora, changer leur poil & le rendre aufli utile que
la plus belle laine. L ’efpèce de la chèvre en général,
quoique fort dégénérée, l’eft cependant moins que celle
de la brebis dans nos climats ; elle paraît l’être davantage
dans les pays chauds de l’Afrique & des Indes ; les plus
petites & les plus foibles de toutes les chèvres font
celles de Guinée, de Juda, &c. & dans ces mêmes
climats l’on trouve au Contraire les plus grandes & les
plus fortes brebis.
L ’efpèce du boeuf eft celle de tous les animaux do-
mefliques fur laquelle la nourriture paroît avoir la plus
grande influence ; il devient d’une taille prodigieufe
dans les contrées où le pâturage eft riche & toujours
renaiffant ; les Anciens ont appelé taureau-éléphans les
boeufs d’Ethiopie & de quelques aitres provinces de
l ’Afie , où ces animaux approchent en effet de la
grandeur de l’éléphant ; l’abondance des herbes, & leur
qualité fubftantielle & fucculente produifent cef effet ;
nous en avons la preuve même dans notre climat ; un
boeuf nourri fur les têtes des montagnes vertes de Savoie
ou de Suifle , acquiert le double du volume de celui
de nos boeufs , Sc néanmoins ces boeufs de Suifle font
comme les nôtres enfermés dans l’étable & réduits au
fourrage pendant la plus grande partie de l’année : mais
ce qui fait cette grande différence, c ’eft qu’en Suifle
on les met en pleine pâture, dès que les neiges font
fondues,
Fondues ; au lieu que dans nos provinces on leur interdit
l’entrée des prairies jufqu’après la récolte de l’herbe
qu’on réferve apx chevaux : ils ne font donc jamais ni
largement ni convenablement nourris, & ce feroit une
attention bien néceffàire, bien utile à l’État, que de faire
un règlement à cet égard, par lequel on abolirait les
vaines pâtures en permettant les enclos. Le climat a
aufli beaucoup influé fur la nature du boeuf ; dans les
terres du Nord des deux continens, il eft couvert d’un
poil long & doux comme de la fine laine ; il porte aufli
une groffe loupe fur les épaules, & cette difformité fe
trouve également dans tous les boeufs de l’Afie, de
l’Afrique & de l’Amérique; il n’y a que ceux d’Europe
qui ne foient pas boffus ; cette race d’Europe eft cependant
la race primitive à laquelle les races boffues
remontent par le mélange dès la première ou la fécondé
génération ; & ce qui prouve encore que cette race
boffue n’eft qu’une variété de la première, c’eft qu’elle eft fujette à de plus grandes altérations & à des dégradations
qui paroiffent exceflives ; car il y a dans ces
boeufs boffus des différences énormes pour la taille ; le
petit zébu de l’Arabie a tout au plus la dixième partie
du volume du taureau-éléphant d’Éthiopie.
En général , l’influence de la nourriture eft plus
grande , & produit des effets plus fenfibles fur les animaux
qui fe nourriffent d’herbes ou de fruits ; ceux au contraire
qui ne vivent que de proie , varient moins par cette
caufe que par l’influence du climat ; parce que la chair
Tome X IV . Sf