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pas dans l’efpèce humaine un exemple de variété fem-:
blable ! le Lappon & le Finlandois fous le même climat
diffèrent entr’eux prefqu autant par la taille & beaucoup
plus pour les autres attributs , que 1 ejocko ou petit orang-
outang ne différé du grand. La féconde chofc pofîibie ,
c ’efl que le jocko ou petit orang-outang que nous avons
vu vivant, celui de Tulpius, celui de Tyfon & les
autres qu’on atranfportésenEurope, n etoientpeut-être
tous que de jeunes animaux qui n’avoient encore pris
qu’une partie de leur aceroiffement. Celui que j ai vu
avoit près de deux pieds & demi de hauteur. Le fieur
Nonfoux auquel il appartenoit, m affura qu il n avoit
que deux ans : il auroit donc pu parvenir à plus de cinq
pieds de hauteur s’il eût vécu , en fuppofant fon accroif-
fement proportionnel à celui de l homme. L orang-
outang de Tyfon étoit encore plus jeune , car il n avoit
qu’environ deux pieds de hauteur, & fes dents n etoient
pas entièrement formées. Celui de Tulpius étoit à peu
près de la grandeur de celui que j’ai vu ; il en eflr
de même- de celui qui efl grave dans les Glanures
de M. Edwards: il efl donc très - probable que ces
jeunes animaux auroient pris avec l’âge un accroiffe-
ment confidérable, & que s’ils euffent été en liberté
dans leur climat, ils auroient acquis la même hauteur|
les mêmes dimenfions que les Voyageurs donnent a
leur grand orang-outang ; ainû nous ne confidérerons
plus ces deux animaux comme différens entr’eux ,
mats comme nefaifànt qu’une feule & même efpèce
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en attendant que des connoiffances plus précifes dc-
truifent ou confirment cette opinion qui nous paraît
fondée.
L ’orang-outang que j’ai vu niarchoit toujours debout
fur fes deux pieds, même en portant des chofes lourdes ;
fon air étoit affez trille , fa démarche grave, fes mou-
vernens mefurés , fon naturel doux & très-différent de
peiui des autres finges ; il n’avoit ni l’impatience du
magot, ni la méchanceté du babouin , ni l’extravagance
des guenons ; il avoit été , dira - 1 - o n , inflruit & bien
appris, mais les autres que je viens de citer & que je
lui compare , avoient eu de même leur éducation ; le
figne & la parole fuffifoient pour faire agir notre orang-
outang, il falloit le bâton pour le babouin , & le fouet
pour tous les autres qui n’obéiffent guère qu’à la force
des coups. J’ai vu cet animal préfenter fa main pour
reconduire les gens qui venoient le vifiter, fe promener
gravement avec eux & comme de compagnie ;
je l’ai vu s’affeoir à table , déployer fa ferviette , s’en
elfuyer les lèvres, fe fervir de la cuiller & de la
fourchette pour porter à fa bouche, verfer lui-même
fa boiffon dans un verre , le choquer, lorfqu’il y
étoit invité , aller prendre une taffe & une foucoupe,
l ’apporter fur la table, y mettre du fucre , y verfer du
thé , le laiffer refroidir pour le boire, & tout cela fans
autre infligation que les fignes ou la parole de fon
maître, & fouvent de lui-même. Il ne faifoit du mal à
perfonne „ s’approchoit même avec circonfpeétion, &