éviter Tes ennemis par la légèreté de fa courfe, mais fl
peut aulTî leur réfifter par la force de fon corps, & par
la folidité des armes dont là tête & fes pieds font munis :
quelle différence de nos brebis auxquelles il relie à
peine la faculté d’exifter en troupeau, qui même ne
peuventfe défendre par le nombre, qui ne foutiendroient
pas fans abri le froid de nos hivers, enfin qui toutes
périroient fi l’homme celfoit de les forgner & de les
protéger. Dans les climats les plus chauds de l’Afrique
& de l’Afie, le mouflon qui eft le père commun de
toutes les races de cette efpèce, paroît avoir moins
.dégénéré que par-tout ailleurs ; quoique réduit en do-
-mefticité, il a confervé là taille 8c fon po il, feulement
il a beaucoup perdu fur la grandeur & la malfe de fes
armes ; les brebis du Sénégal & des Indes font les
.plus grandes des brebis domeftiques, & celles de toutes
dont la nature eft la moins dégradée : les brebis de la
Barbarie, de l ’Égypte, de l’Arabie, de la P erfe, de
l ’Arménie, de la Calmouquie, &c. ont ftibi de plus
grands changemens ; elles fefont, relativement à nous,
perfectionnées à certains égards & viciées à d’autres;
mais, comme fe perfeétionner ou fe vicier eft la même
chofe relativement à la Nature, elles fe font toujours
dénaturées ; leur poil rude s’eft changé en une laine
fine ; leur queue s’étant chargée d’une malfe degraiiïe,
a pris un volume incommode ■ :& fi grand, que l ’animal
ne peut la traîner qu’avec peine; & en même temps
qu’il s’eft bouffi d’une matière iiiperflue, &. qu’il s’eft
paré d’une belle toifon , il a perdu fa force , fort agilité,
fà grandeur & fes armes ; car ces brebis à longues 8c
larges queues n’ont guère que la moitié de la taille du
mouflon ; elles ne peuvent fuir le danger ni réfifter à
l ’ennemi ; elles ont un befoin continuel des fecours &
dès foins de l’homme , pour fe conferver & fe multiplier
: la dégradation de l’efpèce originaire eft encore
plus grande dans nos climats ; de toutes les qualités du
mouflon, il ne refte rien à nos brebis, rien à notre
bélier , qu’un peu de vivacité , mais fi douce X qu’elle
cède encore à la houlette d’une bergère ; la timidité , fa
foibIeffe,.& même la ftupidité & l’abandon de fon
être font les feuls 8c triftes relies de leur nature dégradée.
Si l’on vouloit la relever pour la force & la-
taille, il faudrait unir le mouflon avec notre brebis
Flandrine , & ceffer de propager les races inférieures;
8c fi , comme choffi plus utile, nous voulons dévouer
cette efpèce à ne nous donner que de la bonne chair
& de la belle laine , il faudrait au moins-, comme l’ont
fàit nos Voifins , choifir & propager la race des brebis
de Barbarie, qui tranfportée en Efpagne & même en
Angleterre a très-bien réuffi. La force clu corps 8c la.
grandeur de la taille font des attributs mafculins, l’embonpoint
8c la. beauté de la peau font des qualités
féminines : il faudrait donc dans le procédé des mélanges
obferver cette différence ; donner à nos béliers des
femelles de Barbarie pour avoir de belles laines, 8t
donner le mouflon à nos brebispour en relever la taille,